Loi immigration : Le prétexte de l’intégration au service d’une idéologie xénophobe

L'ASTI nous a permis d'aborder le sujet de la loi immigration en tenant compte du point de vue des personnes sans papier. (Photo: Sophie)

La séquence parlementaire autour de la loi immigration de 2024, dite « loi Darmanin » a été marquée par la multiplication des discours politiques visant à définir la bonne méthode pour contrôler les phénomènes migratoires en France. Rappelons-le ici, cette loi a deux objectifs ; améliorer l’intégration des immigrés d’une part et faciliter leur expulsion d’autre part. Le samedi 24 février, nous avons accueilli sur le Médiaplateau du 108 à Orléans des acteur·ice·s qui agissent aux côtés des personnes migrantes, premières concernées par la loi. Janine et Emeric de l’Association de Solidarité avec Tous les Immigrés d’Orléans (ASTI) nous ont livré une toute autre analyse de la loi immigration dont ils dénoncent les relents xénophobes. Avec cette interview, l’ASTI nous livre une vision alternative de la loi Darmanin en déconstruisant ainsi le mythe de l’intégration par le travail ou par la langue et en mettant à nu l’horreur de l’expulsion. Cette interview a été réalisée en collaboration entre la Rédac Pop et Zotéli.

La question de l’intégration a concentré bien des tensions. Qu’est-ce qu’une bonne intégration ? Qu’est-ce que l’intégration ? Mais qu’est-ce qu’un bon immigré ? Qui sont-ils ces bons immigrés ? Ceux qui travaillent ou ceux qui ont une vie familiale ? Des questions qui ont fait et font encore l’objet de débats. Au cœur de ces débats parlementaires, deux thèmes ont été majoritaires ; l’intégration par le travail et celle par la langue. Selon nos invités, qui côtoient quotidiennement des immigrés, la question est mal posée. La maîtrise de la langue et l’accès à un emploi sont des résultantes de la logique d’accueil. Pour les représentants de l’ASTI, il faudrait au préalable construire une politique d’accueil, basée sur l’accompagnement, l’information des français·es sur ces questions migratoires en se basant sur des réalités qu’il est possible de chiffrer.

L’intégration par le travail et par la langue ou « une loi qui n’est composée que d’effet d’annonces »

Janine vous le dira « cette loi n’est composée que d’effets d’annonce » sans prise avec le réel. Une véritable politique d’accueil, commence par un pas vers l’autre. L’accueil nécessite de passer des « je » et « eux » au seul « nous ». La politique de l’accueil, c’est la politique du vivre ensemble. Avec la loi Darmanin, ce vivre ensemble paraît bien éloigné.

Tout d’abord, concernant le travail, en considérant qu’un bon étranger est celui qui travaille, l’ASTI adresse une critique vis-à-vis du raisonnement gouvernemental. Demander de travailler à des personnes qui ne peuvent pas travailler afin d’obtenir une régularisation de leur situation administrative repose sur une absurdité. Elles sont sans papier. Cette absurdité est également facteur de risque, car ces travailleurs-euses clandestin-e-s sont en proie au pouvoir discrétionnaire de préfet·e·s. Janine et Emeric ont aussi pointé le risque d’exploitation de ces travailleurs précaires par leurs compatriotes ou des employeurs peu soucieux des droits humains.

Ensuite, concernant la langue et comme nos invités l’ont rappelé, la maîtrise de celle-ci est une conséquence de l’intégration et non l’inverse. Exiger la maîtrise du français à un stade trop avancé, c’est méconnaître la diversité de l’immigration car certaines personnes ont un sens de lecture différent, quand d’autres n’ont pas de forme grammaticale complexes ou de distinction féminin/masculin…

La loi contribue à rendre expulsable plus de personnes, mais n’en expulsera pas plus.

Dans cette logique, le second objectif – l’accélération de l’expulsion – tend à s’occuper des « mauvais immigrés ». Pour nos invités, il est clair que la loi Darmanin est impulsée par des relents xénophobes. Des relents produisant un renforcement de la précarité de personnes déjà victimes nombreuses violences sociales, économiques, administratives et judiciaires. Des relents provenant des pires discours anti-immigrations soutenus essentiellement par l’extrême-droite. Des relents invisibilisant la grande diversité des parcours de vie des personnes migrantes.

Nous nous sommes penchés avec nos invités sur quelques propositions amenées par les chambres législatives. Plusieurs de ces dispositions ont été soient renforcées, corrigées, abandonnées et/ou censurées. Pour nos invités, cette loi ne va pas corriger les défaillances de la politique migratoire. Elle va, au contraire, plonger plus de personnes dans une grande précarité. Puisque des blocages législatifs, économiques, sociaux et humanitaires vont venir contredire l’accélération de l’expulsion. Des blocages qui ont une incidence sur les Centre de Rétention Administrative. Avec l’ouverture du Centre de Rétention Administrative d’Olivet, aussi forte soit l’envie d’accélérer les expulsions, il n’est pas possible d’expulser 100% des personnes expulsables.

La précarité sociale des étrangers engendre une multiplication des délits alimentaires

L’impossibilité d’être régularisé et celle d’être expulsé maintiennent toute une partie de la population dans une précarité spécifique aux étrangers. La précarité sociale (santé, alimentaire, logement) est la première précarité qui nous vient à l’esprit. L’ASTI nous rappelle qu’elle peut aussi être administrative et judiciaire. L’impossibilité de se régulariser pouvant engendrer l’impossibilité de travailler pour se nourrir, puis pouvant à son tour engendrer une multiplication des délits alimentaires. Désinfox-Migrations (voir schéma ci-dessous) pointe du doigt la surreprésentation des étrangers parmi les personnes condamnées. Ces condamnations sont à 98,7% des délits commis pour vol alimentaire, travail illégal ou conduite sans permis. Une surreprésentation qui s’explique par l’accumulation de facteurs structurels comme l’absence de papier ou de permis ou encore la surveillance accrue des forces de l’ordre sur les populations originaires d’Afrique.

La Défenseure des droits, Claire Hédon dénonçait le 17 novembre 2023 un texte qui « menace les droits de tous notamment en matière d’accès à la santé ». Autant d’éléments qui, pour les acteurs de proximité, sont à prendre en compte afin d’aborder plus sereinement et humainement le sujet de l’immigration.

L’émission est à retrouver ci-dessous:

Vous pouvez également voir la version télévisée avec un débat mouvant en bonus ci-dessous :

Article et émission : Steven Miredin

Photo : Sophie

L’équipe Zotéli : morgan, Sammy, Ursula, Sophie, Asmaa, Yvan

Un p’tit coucou à Dan pour son soutien

Trouvé sur le Bondy Blog Centre