« Tu bosses toute ta vie pour payer ta pierre tombale. » chantait Trust en 1980. Telle est le funeste fil rouge qui guidera la conférence gesticulée ayant eu lieu à la Maison des associations d’Orléans samedi 13 Janvier. Des sublimatoriums François Leclerc aux obsèques romaines, le collectif pour la sécurité sociale de la mort nous propose un tour d’horizon de ce qui ne va pas dans le monde funéraire aujourd’hui. La mort est marchandise, et comme toute marchandise, elle a ses clients (les endeuillés), ses commerçants (les pompes funèbres), ses prix, ses promotions, ses stratégies de développement ou bien d’innovation. Bref, depuis la libéralisation du marché du funéraire, la mort est un produit capitaliste dont les prix ne font qu’augmenter. Tel est le constat porté par Alban Baudouin et Jean-Loup De Saint-Phalle, deux professeurs d’histoire-géographie et membres du Réseau Salariat, sur le monde du funéraire.
La mort ne devrait pas être un simple produit. Au moment du décès d’un proche, nous sommes endeuillés, sidérés,… ce qui nous mène dans un sentier de dépendance par rapport aux opérateurs funéraires d’après la sociologue Pascale Trompette. Ce sentier de dépendance nous pousse à accepter des prix exorbitants pour pouvoir faire honneur à nos défunts. Le système est basé sur une vision idéalisé du client du funéraire comme agent rationnel, comme s’il allait acheter une machine à laver en somme.
Les lois du marché de la mort…
La loi Jean-Pierre Sueur de 1993 a en effet libéralisé le secteur des pompes funèbres, jusqu’ici phagocyté par les Pompes Funèbres Générales. Le but avoué de cette loi était d’assurer une libre concurrence entre les opérateurs funéraires et ainsi baisser les prix. 30 ans plus tard, le bilan est mitigé : les frais d’obsèques n’ont en effet fait qu’augmenter. Pourquoi ? C’est simplement la loi du marché et de l’inflation, les officines funéraires low-costs alignant leurs tarifs sur les autres.
Dans cet exercice délicat qu’est la conférence gesticulée, le collectif mêle théâtre, contes , informations factuelles et théories scientifiques. Celle-ci s’ouvre ainsi sur un éclairant conte cévenole (que vous pouvez écouter ci-dessous).
Un petit passage par l’Histoire était nécessaire avec deux professeurs d’histoire -géographie. C’est pourquoi le collectif revient sur les rites antiques, pour à la fois voir d’où nous venons, mais également ce que nous avons perdu au cours des siècles (à écouter ci-dessous).
Etendre la sécurité sociale au décès et aux obsèques…
Que propose le collectif ? Tout simplement d’étendre la protection offerte par la sécurité sociale jusqu’au décès et aux obsèques (Voir photo ci-dessous). Ceci permettrait de pouvoir subvenir au besoin en obsèques de tous les citoyens, peu importe leur niveau de revenu. Les agents funéraires deviendraient bénéficiaires d’un revenu à vie. Un prélèvement de 0,27% des salaires bruts sous forme de cotisations suffirait à répondre aux 600000 décès annuels. Pour établir ce modèle, le collectif s’est inspiré des travaux de Bernard Friot, économiste de renom et président du Réseau Salariat (à écouter ci-dessous).
En finir avec les tabous sur la mort…
Personnellement, j’ai adoré cette conférence gesticulée qui m’a appris beaucoup sur un sujet tabou. J’ai repensé à l’enterrement de mon grand-père, athée convaincu qui a finalement été enterré à l’Église, avec une oraison funèbre vantant sa (supposée) foi. Je me rappelle que ma sœur était furieuse et c’est seulement au moment de l’inhumation qu’elle a ressenti un recueillement qui lui correspondait. Et c’est cela aussi les conférences gesticulées, des spectacles qui nous font réfléchir sur nos propres expériences.
« Pour une alternative funéraire » est l’association qui organisait l’événement. Cette association propose toutes sortes de prestations : apéros mortels pour parler de la mort, visites du patrimoine (notamment des cimetières), conférences, etc… Elle projette de former une coopérative funéraire dans le Loiret, comme il en existe déjà à Nantes, Rennes et Bordeaux. En quoi consiste une coopérative funéraire ? Comme son nom l’indique, c’est un collectif sous forme de coopérative, où chaque individu membre de la structure possède une voix lors des décisions. Assurant un service personnalisé et accompagnant les endeuillés, une coopérative funéraire sera sans doute la meilleure façon de faire face au décès d’un proche.
Rédaction de l’article, captations sonores et photos: MENEBOODE Victor