Peut-on vivre sa mort autrement ? Ou plutôt, comment organiser ses obsèques autrement ? En effet, nous avons ou serons tous confronté-e-s au décès d’un proche. Les questions de deuil funéraire se poseront alors avec tous les problèmes financiers et spirituels que cela engendre. Pour répondre à ces questions, nous avons interviewé Nathalie Grenon, présidente de l’association « Pour une alternative funéraire » dont le collectif organise une conférence gesticulée intitulée « Danse Macabre. Pour une sécurité sociale de la mort » le samedi 13 janvier à la maison des associations d’Orléans à 17h.
Victor Meneboode: Nathalie Grenon, vous êtes actuellement présidente de l’association « Pour une alternative funéraire » qui a été créée le 27 Octobre 2020. Pouvez-vous nous en parler ?
Nathalie Grenon: Avant le COVID, avec un groupe de citoyens, on s’interrogeait sur la place de la mort aujourd’hui dans notre société française. Parce que c’est très culturel cette histoire, et donc fonction de la situation géographique, donc on n’aborde pas cette question de la même manière partout dans le monde. Et puis, je ne dirais pas que c’était dans une indifférence des pouvoirs publics, mais il n’y avait pas un franc enthousiasme à s’approprier ces questions. Puis est arrivé le COVID, et là, c’est posé la question des obsèques des personnes décédées pendant cette période de COVID, liés à la pandémie ou non. Et là d’un coup, la presse en particulier se fait l’écho de ce que les familles ressentaient en l’absence de cérémonie. Et là, ça devient un débat national. De ce fait, ce projet qui était né avant cette pandémie va prendre une autre dimension en raison de l’intérêt que portait les gens, les associations, les pouvoirs publics à ce projet. On avait à peine besoin d’expliquer l’intérêt.
VM: Vous vous étiez donné comme objectif de créer une coopérative funéraire avant 2021. Ce projet a finalement été repoussé. Qu’en est-il ?
NG: C’est très intéressant parce qu’en 2019 quand on commence à réfléchir sur ce sujet, il existait trois coopératives funéraires en France : Nantes, Rennes puis Bordeaux. Aujourd’hui il y en a à peu près une quinzaine en France. Le principe d’une coopérative funéraire – sous forme de SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) – il n’y a pas l’idée de faire des profits pour donner aux actionnaires. C’est ça le principe de base d’un SCIC. C’est de réfléchir collectivement au bien commun. Donc effectivement, la pandémie a mis fin à ce projet de SCIC. Mais cette pandémie à permis de mettre en lumière d’autres problématiques : la question des obsèques des personnes en situation de précarité. Pourquoi ? Parce que la cour des comptes et un certains nombre d’associations dont ATD Quart-Monde ont sortis juste avant la pandémie des rapports, des études qui démontraient que, pour une partie importante de la société, financer des obsèques était de l’ordre de l’impossible. Lorsque la cour des comptes sort son rapport, on est sur une moyenne financière de 3800€. La revue Capital récemment parle de 1000€ supplémentaire. Donc aujourd’hui on friserait les 5000€ de moyenne. Or qui a 5000€ pour financer des obsèques quand on est au RSA, qu’on travaille au SMIC ? Pas grand monde. C’est pas la priorité. De toute façon, la mort n’est jamais la priorité de personne. Et c’est une erreur. Car la mort peut être joyeuse, et dans beaucoup de sociétés elle est joyeuse. Ce n’est qu’une étape de la vie. Il y a beaucoup d’essais de philosophies ou de séries de films sur cette question : que nous apporterait la vie éternelle ? Est-ce que la vie ne vaut pas d’être vécu parce qu’à un moment ça s’arrête ? Mais cette mort on ne veut pas la voir.
Je reviens à la question financière – mais c’est lié. Le fait de ne pas vouloir voir la mort, d’en parler, d’anticiper, etc… fait qu’au moment où on s’y intéresse, hop je vais prendre une assurance obsèques, qui coûte très chère et qui ne solutionne pas tout. Après la pandémie, nous avons rencontrer les services de l’état – la direction départementale de la cohésion sociale – et d’un commun accord, on a mis en place un groupe de travail sur les obsèques des personnes en situation de précarité, composé des services de l’état, d’associations caritatives et de collectivités territoriales. On a priorisé ce travail là. Ce qui s’est avéré, c’est qu’il y avait un défaut de formation de tout le monde.- qui a envie de se former à ces questions là ? Donc on a mis en place un plan de formation à destination des personnels (associations, état, collectivités) qui serait en lien avec des personnes en précarité ou susceptible de passer en situation de précarité après avoir financer les obsèques. Parce que ce qu’on a mis en exergue, c’est que certaines familles s’endettaient pour les obsèques, prenaient un crédit à la consommation, et que là ils risquaient de basculer dans le surendettement. Donc d’un micro sujet, c’est presque devenu un sujet d’intérêt public. Et de ce fait, on s’est plus focaliser là-dessus, parce que pour les autres tout le monde trouve toujours des solutions (pas forcément satisfaisantes). Mais on a réorienté notre objectif vers ce sujet. Et vous voyez, on en est à notre deuxième journée d’étude, et à ma grande surprise et satisfaction, on a toujours autant de personnes qui s’inscrivent – 90 personnes la première année, 80 personnes l’an dernier – ça prouve qu’il y a un sujet. Les journées de formation ne désemplissent pas. Et c’est parce qu’on ne peut pas ni financièrement ni en ressources humaines en faire plus qu’on en fait pas plus. [rires] Mais en réalité on pourrait presque avoir un petit véhicule et écumer le Loiret parce qu’on est sollicité dans beaucoup d’endroits. Et il faut pas se leurrer, ce n’est pas forcément les personnes âgées qui s’intéressent à ce sujet. Dans les rencontres, les conférences, les visites de cimetières, on a aussi des jeunes gens de 20-25 ans qui voient bien qu’il y a quelque chose qu’on a mal géré dans notre société sur la question de la mort et à l’instar de beaucoup d’autres sujets, ils ont envie de se l’approprier pour en devenir des acteurs, pas des consommateurs. On a peu près ces deux pans : des moins de vingt cinq ans et évidemment le public plus âgé. Et d’ailleurs dans les coopératives funéraires ailleurs, c’est un petit peu ce qu’on retrouve, c’est-à-dire des jeunes gens qui disent : « Mais c’est pas sans nous. » Parce que la question de la mort, on s’y intéresse beaucoup d’un point de vue culturel : c’est passionnant, ça traverse l’histoire de l’art depuis la nuit des temps, les cimetières c’est un patrimoine exceptionnel, négligé, oublié, maltraité. Et puis il y a la question de la transition écologique. Et on a plutôt mis ça en avant par rapport à la création de la SCIC.
VM: Vous parlez d’alternatives écologiques par rapport à l’inhumation ou la crémation. Quelles sont-elles actuellement en France.
NG: Aujourd’hui la crémation atteint presque la moitié des obsèques. C’est absolument énorme. Donc on pourrait se dire : « c’est très bien, parce que c’est moins polluant. » Oui et non. En fait, si on parle de l’inhumation, si effectivement je prends un cercueil en bois non verni issu du bois local, si je met pas de caveau en ciment, si je ne met pas de sculpture en marbre qui a fait deux fois le tour de la terre, si je ne fait pas de thanatopraxie avec du formol qui se retrouve dans les nappes phréatiques, ça pollue pas tant que ça. Et c’est ce que mettent en avant ceux qui veulent l’humusation. Si je met pas de capitons en nylon, si on met des vêtements en coton, si on met pas de chaussures, ça pollue pas tant que ça. Alors que la crémation, ça reste du gaz. Maintenant, il y a des filtres très bons, et on a fait une visite au crématorium d’Orléans qui était très intéressante d’un point de vue technique mais aussi social et humain. Si on brûle un cercueil bourré de vernis, avec des capitons en nylon, des vêtements en nylon, bien sûr c’est plus polluant. Donc c’est à nous de faire attention à ce qu’on met à nos défunts. Ce que disent les études, aujourd’hui une inhumation représente grosso modo un aller-retour Paris New-York en avion. Alors qu’on a 600000 morts par an. C’est pas neutre. Mais si on ne met pas de monument en granit, on diminue considérablement. Donc si je choisis la crémation pour raison écologique, il faut quand même y réfléchir, c’est-à-dire qu’est ce que je mets comme vêtements, est-ce que je prend comme cercueil, est-ce que je met un capiton, est-ce que je fais quand même des soins de conservation ? Quel que soit l’acte, si c’est la question de l’écologie qui me motive, ça nécessite de pouvoir en parler. Mais avec qui ? Le problème il est là. Aujourd’hui en France, on a six jours pour organiser des obsèques. Six jours ! Quand on est dans le deuil… C’est un chaos un deuil, psychiquement, biologiquement, la notion du temps n’est pas la même. C’est comme si le temps n’existait pas. Et on a six jours pour prendre des décisions, on est vulnérable, on comprend même pas ce qu’on nous dit à ce moment là. Et l’intérêt des coopératives funéraires, c’est de se dire : « on prend le temps », et surtout ce qu’on dit c’est « faut y penser avant. » Est-ce qu’on veut ou pas de capitons, des soins de conservations ou pas ? Est-ce que le plus important c’est d’avoir une faible empreinte écologique ? C’est toutes ces questions qui ne peuvent pas être décidées deux jours après le décès de la personne, dans un état de sidération et de vulnérabilité. D’où la nécessité de faire travailler et réfléchir les gens avant.
VM: J’ai vu que vous organisiez des apéros mortels. En quoi ça consiste ?
NG: Des associations comme JALMALV (Jusqu’A La Mort Accompagner La Vie) font et ça fonctionne très bien des cafés deuils. Les café deuils, c’est « je suis en deuil et j’ai envie d’en parler, parce que je me trouve un peu tout seul, parce que dans mon entourage, personne ne veut discuter de ça. » Et donc JALMALV organise ces cafés deuils où je peux parler de mon état d’endeuillé. Donc ça c’est des groupes de paroles qui fonctionnent très bien, donc merci à JALMALV de les organiser parce que c’est très important. Je sais que Jonathan Pierres Vivantes, dès samedi matin, organise le premier groupe de parole qui s’adresse aux parents ayant perdu leur enfant et aussi aux frères et sœurs. Ça c’est les groupes de paroles. L’apéro mortel, on est avant. C’est un suisse à Genève qui a créé ce concept qui est avant tout un concept sociologique qui est de dire la mort doit intéresser tout le monde avant même que ça arrive, donc on doit en parler dans un lieu public d’où le fait de le faire dans un café. Avec l’idée que la parole est libre, n’est pas orientée. Un peu comme on peut avoir une discussion de café de commerce.
VM: Ça intervient avant ou après le décès ?
NG: L’idée c’est surtout avant. Les cafés deuils, on est sur un groupe de parole de personnes endeuillées. Les apéros mortels, c’est sensé être avant. C’est à dire que je m’intéresse à la question de la mort du point de vue sociologique, de l’histoire de l’art, comment organiser des obsèques ? Je réfléchis : « Mes parents sont âgés, je sais pas du tout comment je vais m’organiser, j’y connais rien, c’est quoi une concession ? Quel type de concession je dois prendre ? » Qui se pose la question avant ? Mais personne ! Sauf que quand on y est confronté, ça des conséquences pour soi, sa famille, voire les générations futures. Donc en fait, ces apéros mortels, c’est ça ; c’est sensé être des gens qui n’ont pas de trauma lié au deuil et qui ont envie d’échanger sur la mort, sur tous les sujets, sans tabou : la législation, le psychologique, le sociologique. Mais voilà, ça n’est pas « je vais pas bien parce que je suis en deuil »., ça c’est les groupes de paroles JALMALV et Jonathan Pierres Vivantes, la prochaine samedi matin à la maison des association. Maintenant on dit JPV 45. Ce que fait JPV 45, à l’origine c’était les parents qui ont perdu un enfant. Et depuis quelques années, et je trouve que c’est une orientation heureuse, c’est aussi les frères et sœurs. Parce que quand les parents perdent un enfant, les frères et sœurs perdent aussi un frère ou une sœur. Souvent on se focalise sur les parents, pas sur les frères et sœurs. Aujourd’hui, clairement, ça s’adresse aussi à ses frères et sœurs, et ça manquait.
VM: Au final, qu’est-ce qui vous a incité à vous occuper de ce type de sujet ? Est-ce qu’il y a eu un deuil dans votre famille ?
NG: C’est une bonne question. Souvent on dit dans le milieu que chacun d’entre nous aura à organiser une voire deux cérémonies dans sa vie. Ce qui est rien. On n’engrange pas d’expérience en une ou deux fois. [rires] Mais justement, on n’engrange pas d’expérience. Donc ce n’est pas parce que j’ai été confrontée à un deuil – je l’ai été comme tout le monde en réalité. Et comme tout le monde, j’ai eu un jour pour décider… Comme je m’intéressais un petit peu au sujet, j’ai posé les bonnes questions mais à peine. Parce que les frères et sœurs sont pas prêts eux, parce que la personne en face de soi est pas forcément formée. Moi les questions à l’époque que j’ai posées par exemple sur l’impact écologique, la personne – qui était adorable, c’était une conseillère funéraire très loin du Loiret qui était très bien, très bienveillante mais c’était pas ses préoccupations. Comme tout le monde. En revanche, de par mon parcours, j’ai eu très souvent à entendre des gens parler des obsèques ou d’aller à des cérémonies. Et du coup, d’en parler aussi avec les personnes, et quand on voit les statistiques ; globalement, les personnes sont satisfaites des obsèques. Quelques temps après, c’est à dire deux mois trois mois quatre mois, il y avait à chaque fois un sentiment de « mais c’est pas comme j’aurai aimé finalement ». Bien sûr ça s’est passé, parce que, globalement, les entreprises de pompes funèbres font très bien leur travail. Bien sûr. Mais il y avait un sentiment de « Mais en fait c’était pas ça que je voulais. C’était pas ça que j’attendais. C’était pas l’image du défunt. C’était pas l’image de notre famille. » Et ça je l’ai entendu pendant trente ans. Et vous savez, c’est le genre de chose qui s’incrémente. Et puis à un moment donné, aussi parce qu’il y a eu Nantes, Rennes et Bordeaux, je me suis dit mais c’est peut être pas la solution. Vous savez qu’à un problème il n’y a jamais une seule solution. Mais ça peut être une des solutions que l’on pourrait proposer dans le Loiret.
VM: Vous accompagnez les proches ?
NG: Nous non. Puisque pour cela il y a des associations : JALMALV, Jonathan Pierres Vivantes, l’association pour le droit de mourir dans la dignité, etc…L’idée aussi de ce collectif – l’alternative funéraire – c’est vraiment aussi de pouvoir orienter les gens. Quelqu’un vient nous voir, il a vraiment un problème lié à un trauma du deuil. Hé bien, on va l’orienter. Une personne se pose des questions sur sa fin de vie. Hé bien on va l’orienter : JALMALV sur les soins palliatifs, l’ADMD pour le droit de mourir dans la dignité. Donc en fait c’est vraiment l’idée d’en faire une sorte de carrefour qui permet d’orienter. En revanche, on est source d’information pour les professionnels du social, donc là on fais venir d’autres professionnels et on met en place des sessions de formations, et pour les particuliers effectivement on organise aussi des temps d’information. Et là le projet j’espère 2024-2025, c’est d’aller dans les territoires ruraux. On oublie toujours les territoires ruraux. Et pour effectivement expliquer comment ça se passe, quelles questions on va poser. Donc c’est sympa d’y penser avant. Et puis surtout d’échanger en famille. L’autre fois, j’étais avec une dame qui voulait absolument une dispersion de ses cendres, C’est son choix. On en avait parlé avec elle. Mais elle avait fait venir ses enfants et petit-enfants, qui ont tous pleuré à ce moment là, en disant « Nous ,la crémation oui, mais pas de dispersion de cendres. » Et donc moi je n’ai servi qu’à une chose : faire l’intermédiaire entre les deux, qu’ils en parlent ensemble. Moi je n’ai pas d’avis, et on a pas à avoir d’avis. Après on va nous poser des questions : « Est-ce que ça pollue plus ? » Et là on a les chiffres. Mais là c’est juste de dire : « Il faut en parler avant ». Pourquoi c’est important pour la personne que ses cendres soient dispersées à ce endroit là, et pourquoi enfants et petit-enfants eux ne le souhaitent pas. Ils ont trouvé un compromis. Il y aura bien crémation, et il y aura bien dispersion des cendres. Mais pas à l’endroit précisément où c’était prévu, parce que c’est un endroit où la famille n’ira jamais, et où il aura aucune mention. Et les petits enfants voulaient qu’il y ait un nom et un prénom marqués quelque part. Et puis de fils en aiguilles, on a parlé impact environnemental. Donc la personne a dit : « Moi j’aimerais vraiment que mes vêtements soient en coton. » Donc la famille a noté. Donc oui, ça c’est l’idée de pouvoir anticiper tranquillement avant que la personne soit malade. Quand la personne est malade, on va pas commencer à réfléchir à ses obsèques. On va pas lui dire… c’est trop tard. L’idée c’est vraiment de se former et s’informer avant. Moi je suis malade, j’ai pas très envie qu’on me parle de ma mort, j’ai envie qu’on me parle plutôt de ma guérison. Mais du coup, j’ai anticipé. On sait comment je veux avant. Quand je serais malade, on aura d’autres préoccupations.
VM: Vous avez des liens avec les pompes funèbres locales ?
NG: Pas encore. Alors on se croise, on discute,… En revanche, dans le cadre des obsèques de personnes en situation de précarité, on est soutenu sur cette opération par la commissaire à la lutte contre la pauvreté Véronique Carré.
VM: Donc vous avez des liens avec les pouvoirs publics ?
NG: Exactement. Sans eux, on ne pourra pas continuer de faire ces formations, ces journées d’études… Clairement, c’est un financement de l’État qui nous permet de faire ça, et qui nous a permis de recruter une personne à mi-temps. D’ailleurs, c’est un mi-temps un peu court – je sais qu’elle fait plus que son mi-temps aujourd’hui, il y a de telles sollicitations. Et donc ce qui a été annoncé à la dernière journée d’étude, nous allons travailler – ça veut pas non plus dire que ça va faire dans l’année – à la création d’une SCIC un petit peu différente de ce qui était prévu à l’origine. C’est-à-dire que, on s’est rendu compte – et ça rejoint un petit peu la sécurité sociale de la mort – aujourd’hui quelqu’un qui est en situation de pauvreté (10% de la population), quelqu’un qui est au-dessus de la pauvreté (SMIC, salaire pas très élevé, pas de biens), ceux-là sans doute qu’il faut les aider, parce que 5000€ c’est pas neutre. Comment les aider ? Avec quel argent ? Qui aider ? À quelle hauteur ? Donc en fait les associations caritatives (Secours catholique, Secours populaire, les Restos du Cœur…), les collectivités territoriales, l’État, les fondations, les mutuelles… l’idée c’est de réunir dans un pot commun.des sommes qui se trouvent aujourd’hui dans ces structures là, de les mettre dans cette SCIC, de travailler avec l’ensemble des partenaires aux critères de répartition d’aide. Et de ce fait, de travailler avec les entreprises de pompes funèbres. C’est-à-dire de modéliser des obsèques qui permettent aussi de ne pas atteindre aussi des sommes importantes… ça ne veut pas dire des obsèques à bas coût. Mais si je change un capiton par des draps magnifiques qu’on va récupérer à Emmaüs – on a le droit, la loi le permet – c’est 0 €, on est d’accord. Et pourtant on aura un joli capiton. Parce que ce sera des draps en lin du début de siècle, brodés mais qu’on aura eu pour 1€ à Emmaüs. L’idée aujourd’hui c’est de travailler outre tout ce que nous organisons par ailleurs sur cette question là : c’est de réfléchir à une SCIC qui serait consacré à ça. Donc on est pas très très loin de ce que le collectif sécurité sociale de la mort préconise. C’est à dire une recollectivisation de la mort, ce qu’elle a toujours été depuis la nuit des temps. Et elle ne l’est plus depuis la fin du XIXè et le XXè. Donc voilà, c’est pour ça qu’on les a invité. L’idée de l’alternative funéraire c’est d’être un laboratoire d’idées. Ça veut pas dire qu’on est pour ça ou contre ça. On fait venir des gens qui ont des idées et qui ont envie de les partager. Et c’est de faire débat. Dès qu’on parle autour de la mort, et qu’on fait débat autour de la mort, c’est qu’on a gagné quelque chose.
VM: Votre association fait venir un conférencier gesticulant le samedi à 17h à la maison des associations Rue Sainte Catherine à Orléans. Est-ce que vous pouvez m’en dire plus ?
NG: Alors c’est deux professeurs d’histoire-géographie : Alban Baudouin et Jean-Loup de Saint-Phalle qui a un moment donné ont fait le constat qu’on fait depuis tout à l’heure : une marchandisation de la mort. Jean-Pierre Sueur lorsqu’il a fait sa loi en 1993, son objectif c’était de faire baisser le coût des obsèques. Concrètement, ça n’a fat qu’augmenter. Et il le déplore lui-même. Il le dit dans la presse régulièrement, il me l’a reconfirmé. Pour lui ça atteint aujourd’hui des sommes indécentes. Donc comment faire autrement ? C’est toute la question. Et si on peut pas faire autrement, c’est comment le faire financer collectivement. Et donc ces deux professeurs d’histoire-géo sont repartis aux sources de l’histoire de la sécurité sociale. Aujourd’hui quand on naît, c’est pas nous qui payons, c’est la société. Donc pourquoi quand on meurt, c’est le particulier qui prendrait le relais ? Donc en fait, c’est là-dessus qu’ils ont travaillés. Ils ont fait des calculs savants – ce ne sont pas les miens donc je ne sais pas si c’est juste – en expliquant que si on prend 0,27% du salaire brut de tous les français, ça permettrait effectivement couvrir les obsèques de tous au même titre que quand j’ai un cancer – encore une chance dans notre pays, on est pas aux États-Unis – c’est la collectivité qui prend en charge. Donc c’est de cela dont il vont venir nous parler samedi. Et je trouvais très intéressant de pouvoir débattre de ce sujet avec eux.
VM: Est-ce que vous d’autres événements que vous voulez partager avec nous qui sont dans les prochains mois ?
NG: Nous on aime beaucoup faire les visites de cimetière.[rires] Parce que dans les cimetières, c’est des livres d’histoire locale. C’est fabuleux. Il y a les noms des gens bien sûr, il y a les monuments, il y a les symboles. Et puis, c’est l’occasion de parler de la législation. Parce que si on fait une conférence autour d’une table en disant : « Bon, je vais vous parler de la législation concessions ». Ça n’a pas le même impact que si on déambule dans un cimetière, et on voit concession à perpétuité, concession 50 ans, c’est quoi une concession familiale ? Ça n’a pas le même impact. Donc vous voyez que quand on fait une visite dite patrimoniale, c’est aussi une réunion d’information sur la législation funéraire. Et il y a beaucoup de gens qui viennent, à chaque fois c’est 40-50 personnes. Je suis pas sûre que si on faisait une réunion à la maison des associations, on atteigne 50 personnes. Mais dans le cimetière, on les a. Et donc on est en train de préparer dans le cadre des printemps des cimetières en mai, cette année le thème c’est les femmes. Ah bah là aussi, on se rend compte que le traitement des femmes y compris dans la mort, n’est pas le même. Et ça c’est quand même assez incroyable. On va sans doute aller sur des tombes de femmes qui ont fait des choses extraordinaires et ça ne se voit pas du tout sur la tombe. Et vous allez dire : « Les hommes non plus ». Et bah pas toujours ; il y a une petite différence. Donc là on prépare ça avec des associations d’histoire locale. Donc il y aura des femmes résistantes, des femmes combattantes, des intellectuelles, des femmes bibliothécaires à la Bibliothèque Nationale de France et qui sont enterrées dans le Loiret. Ça c’est un des grands événements. On va participer aussi avec la Région à Pop’Up à Bourges c’est comment les citoyens s’emparent des sujets pour devenir acteurs. Et puis on va participer au forum de bien vieillir au CHU – alors là, on est plutôt sur un public senior. C’est absolument divers. Et puis tout un plan de formation pour nos bénévoles, puisque grâce au FDVA (Fonds de Développement de la Vie Associative) on va déposer un plan de formation. On va continuer à former nos bénévoles. Voilà, rapidement dit, le programme des actions à venir.
VM: J’ai lu sur Internet que vous comptiez créer une maison des adieux pour pouvoir faire des enterrements civils. Est-ce que vous pouvez m’en dire plus ?
NG: Ah oui, ça, ça serait formidable. En fait aujourd’hui, 50% de la population française se dit sans religion. Or, on connaît tous des gens qui étaient baptisés et qui n’avaient plus aucune relation avec l’église catholique – puisque majoritairement c’est de celle-ci dont on parle – et qui vont quand même se faire enterrer à l’église. Moi ça m’a toujours énormément surprise. Du coup, j’ai un peu travaillé le sujet, rencontré beaucoup de gens y compris des prêtres – d’ailleurs on a des officiants catholiques dans l’association. Ce hiatus entre « en fait mon père il était pas du tout croyant » et on va à l’église. Pourquoi ? Parce qu’il y a pas d’autres lieux. Alors je ne dis pas qu’il faut plus aller à l’église, ça ne me regarde pas, c’est le choix de chacun. Mais il y a quand même un hiatus entre ce que la personne pensait et puis le fait d’avoir un enterrement religieux, quel qu’il soit d’ailleurs. Alors il y a des prêtres qui le font très très bien. Il y a des officiants laïcs à l’église qui le font très très bien, parce qu’ils vont le dire mieux que moi, adroitement, intelligemment. Mais ils vont parler de la personne mais sans forcément faire référence au fait qu’elle avait une relation particulière à Dieu. Mais c’est pas le cas partout. Et on a tous assisté à des cérémonies qui étaient hors sol par rapport à la personne. Donc, en fait, un certain nombres de députés de Bretagne – tout vient toujours de la Bretagne – on proposé de créer des lieux pour des cérémonies civiles. D’où cette idée de maison des adieux, qui est aussi de faire réfléchir les pouvoirs publics et les collectivités territoriales aux lieux qu’ils pourraient mettre à disposition dans leur commune. La salle des fêtes par exemple. Mal nommée, mais ça reste un lieu. Est-ce que telle commune mettrait à disposition d’une famille une salle des fêtes pour faire une cérémonie ? Aujourd’hui les cérémonies civiles, on les fait où ? Au crématorium ! Moi je pense que c’est aussi une raison du succès – enfin de l’augmentation de la fréquentation des crématoriums. Mais par exemple, et pas grand monde le sait, quand on meurt à l’hôpital d’Orléans, il y a un espace funéraire. Donc on peut demander à y rester, trois jours gratuits, 30€ la demi journée. Et là il y a une salle qui est pas très très grande, mais qui permet d’accueillir une cinquantaine de personnes – on est au rez-de-chaussée, il y a deux sorties, donc on peut largement être à cinquante. Et la salle est assez mignonne. Mais sauf que voilà, vous le saviez pas, moi je le savais pas avant il y a trois ans, et la majorité des gens le savent pas. Donc il y a comme ça des endroits dans le Loiret où on pourrait faire des obsèques civiles : au CHU, une très jolie salle à Saint Jean-le-braye qui a été conçue pour, il y a une salle à Neuville-aux-bois et il y en a d’autres sans doute. Donc l’idée mais là on manque de bénévoles pour le faire, ce serait d’appeler chacune des collectivités déjà pour vérifier ce qu’elles ont déjà, ou si il y a une autre salle qu’elle pourrait mettre à disposition. Et puis un jour, avoir dans la Métropole, effectivement, une maison des adieux public qui n’appartiennent à personne et qui pourrait aussi être les associations (JALMALV, Jonathan Pierres Vivantes, ADMD,…), c’est à dire aussi un lieu ressource pour les habitants où je peux venir travailler le sujet, où j’aurais une bibliothèque, des ateliers. Ça ce serait le rêve ultime.
L’interview est à retrouver ci-dessous:
Victor Meneboode