Un an après le grand débat, comment faire parler les jeunes de La Source ?

Soupoune, Eda et Virginie ont donné leur vision de jeunes du quartier de la Source

 Que reste-t-il du grand débat sur le quartier de La Source ? Dans les inscriptions du cahier de doléances, ou durant la réunion publique organisée le 13 février 2019, aucun jeune au rendez-vous. Alors nous sommes allés à leur rencontre, sur la place Ernest-Renan. Nous avons aussi invité trois jeunes habitants dans nos studios pour s’exprimer, dans un document audio à retrouver en fin d’article.

  Parole demandée, parole désertée. Le constat du grand débat national est édifiant pour les jeunes d’Orléans-La Source : ils ne se sont pas exprimés. Et donc, n’ont pas pu se faire entendre.

  Un cahier de doléances était pourtant posé en mairie de proximité. Trente-huit de ses pages en étaient lourdes d’encre. En les tournant, on comprenait bien vite la réalité. « TVA », « CSG », « ISF »… Difficile de croire que ces sigles fiscaux soient la priorité des moins de 24 ans du quartier.

  Aucun jeune ne s’était donc déplacé à la mairie de proximité pour lever son stylo et inscrire ses requêtes. Ils n’étaient pas plus à s’être rendus à la salle Pellicer, le 13 février 2019, à l’occasion d’une réunion publique pour le grand débat. Le BBC s’en était déjà fait tristement l’écho.

« Je n’ai rien à dire »

  Un an plus tard, pas plus de jeunes langues se délient lorsqu’on fait le tour du quartier. Sur la place Ernest-Renan, ce sont souvent les mêmes réponses. « On ne parle pas Monsieur ! » ou bien « Je n’ai rien à dire ». Sauf pour nous proposer un peu de cannabis. On décline poliment, ils n’insistent pas.

  Sur la terrasse de la boulangerie, Mario et Luigi (les noms ont été modifiés) sont assis, discutent, regardent les gens passer. Bref, ils « galèrent ». Qu’ils pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, les deux vingtenaires restent sur ce semblant de place du village. Le duo n’élude pas les petits trafics qui s’effectuent sur le parking, mais explique qu’il n’y a pas d’insécurité sur cette zone. « Ici il y a des filles, des mamans qui passent. Il n’y a jamais rien. » De loin, on pourrait penser que leur quotidien n’est pas si triste que cela. Mais pour eux, le quartier ressemble à une prison dont ils rêvent de s’évader. Morose quotidien.

Peu d’emploi, peu de perspectives…

  Un boulot pour combler la routine et le porte-monnaie ? « J’aimerais devenir militaire », pose tranquillement Luigi, avant d’éclater de rire. « Non, sérieusement, j’aimerais juste avoir un bon métier. »  Et là, le bas blesse, car les perspectives restent limitées dans le quartier.  Selon des statistiques de l’Insee fournies par Hubert Bouquet (habitant du quartier et ancien chargé d’études à l’Observatoire régional de la formation et de l’emploi), le taux de chômage des jeunes approche les 50% dans des zones telles que les HLM nord et sud, ou la dalle.

  « La maison de la réussite propose des chantiers d’insertion. Mais je ne veux pas travailler pour 600 euros et sans formation à la clé », confirme Mario. Se faire exploiter ou prendre un demi-emploi, très peu pour lui. « On fait un peu d’intérim. Mais il n’y a pas de travail dans le quartier », complète Luigi. « On va souvent jusqu’à Saran pour travailler. Il y a pourtant des usines à Saint-Cyr-en-Val, mais elles ne veulent pas nous prendre. T’as vu notre tête, notre dégaine ? »

  Pourtant rien d’exceptionnel. Jeans ou pantalon de survêtement, basket… L’attirail du jeune, ni plus, ni moins. Mais la confiance semble rompue depuis longtemps. La confiance dans les institutions, dans le monde qui les entoure, dans les associations, et même dans leur propre parole. Comme si elle n’avait aucune valeur. Comme si tout ce qui sortirait de leur bouche serait forcément décrédibilisé. Le manque d’estime de soi, puis l’absence de perspectives d’emploi. Ou plutôt l’inverse ? Difficile de savoir ce qui a tracé le début de ce cercle vicieux.

Retrouvez ci-dessous, l’émission enregistrée avec trois jeunes issus du quartier

Thomas Derais

Trouvé sur le Bondy Blog Centre