LA JUSTICE RESTAURATIVE A ORLEANS

Jeudi 19 octobre dernier se tenait dans les locaux du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) d’Orléans, une réunion de présentation portant sur la Justice restaurative et plus précisément sur la mise en place d’un cercle de soutien et de responsabilité (CSR).

Introduite en France par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, la justice restaurative ou réparatrice puise ses origines au delà de nos frontières, entre autre, chez les Inuits du Québec ou encore chez les Maoris, aborigènes de Nouvelle-Zélande mais également dans la justice traditionnelle et palabre en Afrique.

La justice restaurative aborde les crimes et les délits sous l’angle des atteintes faites aux personnes et aux relations interpersonnelles et non par le prisme de l’atteinte portée à l’autorité de l’Etat. Dès lors, il apparait indispensable de surmonter le déséquilibre social et interpersonnel engendré par la commission d’une agression et par le biais d’actions, rechercher la mise en oeuvre de solutions permettant aux personnes touchées par l’infraction (victime, auteur, entourage ainsi que les communautés auxquelles ils appartiennent) de reprendre le cours de leur vie. La justice restaurative entend « opérer une redistribution des rôles : à l’Etat la responsabilité du maintien de l’ordre public, à la communauté la responsabilité du maintien de la paix sociale ».

Il existe plusieurs mesures de justice restaurative, dont le cercle de soutien et de responsabilité (CSR) que le SPIP d’Orléans a décidé de mettre en oeuvre. Il s’agit d’une mesure s’adressant aux personnes condamnées pour des infractions à caractère sexuel. Le cercle se compose d’un membre principal (la personne condamnée pour une infraction à caractère sexuel, très isolé socialement) d’un cercle de ressource (constitué de professionnels de tout domaine : santé, insertion, sécurité, justice ou encore social), d’un cercle d’accompagnement (composé de quatre bénévoles) et d’un coordinateur (professionnel spécifiquement formé, en l’espèce un conseiller SPIP).

L’idée est d’organiser des rencontres hebdomadaires dans un lieu neutre avec le membre principal, le coordinateur et les bénévoles afin d’apporter un soutien moral et social au membre principal à travers leur présence et leur écoute. Le coordinateur effectue le lien entre le cercle d’accompagnement et le cercle de ressource, les membres de ce dernier pouvant intervenir ponctuellement en cas de besoin.

« Personne n’est jetable »

Apparus au Québec en 1994 et imaginés par la communauté mennonite, les cercles visent des personnes condamnées pour des infractions à caractère sexuel très isolées socialement. Le but est d’éviter les « sorties sèches » qui sont des facteurs criminogènes. Le cercle est un soutien moral et social reposant sur des valeurs humanistes et compassionnelles. Personne n’est jetable, il s’agit d’un des principes fondamentaux du cercle. Derrière le condamné, il y a l’humain, l’être qui a causé du tort à autrui mais qui peut reprendre le cours de sa vie en laissant derrière lui ses méfaits.

Le fonctionnement du cercle repose sur le volontariat de ses membres, tant le membre principal que le reste du cercle. Il est nécessaire que le membre principal accepte de participer au CSR.

« Pas de secret »

En plus d’être volontaire, le membre principal doit reconnaître la totalité de l’infraction commise et ne pas être dans une situation de déni. L’honnêteté et la sincérité sont au coeur du cercle : il n’y a pas de secret. Il ne doit pas y avoir de non-dits qui s’avèrent également être des facteurs criminogènes. Un véritable lien de confiance doit se créer entre le membre principal et les bénévoles.

« Plus jamais de victime »

Les CSR permettent de réduire de 70 à 83%1 le taux des récidives chez les personnes accompagnées par ce dispositif. Outre la portée humaniste d’une telle mesure, il existe un véritable avantage pour l’ensemble de la société, l’un des principaux but du CSR étant qu’il n’y ait plus jamais de victime.

La mise en oeuvre d’un CSR nécessite des moyens humains et financiers, le SPIP en est conscient et cela a été largement évoqué lors de la réunion du 19 octobre.Les besoins urgents sont de  recueillir des candidatures, recruter des bénévoles pour un période d’un an puis, composer un CSR opérationnel au cours du premier trimestre 2018.

L’événement a mobilisé plusieurs dizaines de personnes venues d’horizons différents, certains du monde associatif (association les Visiteurs de prison) d’autres simples citoyens sensibles à ces problématiques. Si tous les participants ne sont pas prêts ou ne souhaitent pas devenir bénévoles, tous s’interrogent et s’intéressent au sujet. Le CSR ne laisse personne indifférent.

« Quelque chose de valorisant et d’enrichissant »

Pascal, visiteur de prison, connait le milieu carcéral. Ce bénévole retraité rend visite en prison a des détenus. Il considère que la mise en oeuvre d’un CSR est une bonne démarche et permet d’aller plus loin que ce qu’il est possible de faire dans le milieu carcéral. Il s’agit, en outre, d’une démarche valorisante et enrichissante pour ceux qui la portent et bénéfique à l’ensemble de la société.

La justice restaurative et plus particulièrement les CSR viennent en complémentarité de la justice pénale et participent à la neutralisation de la récidive. Rappelons que la France est régulièrement épinglée, à propos des conditions de détention sur son territoire, par des ONG ou le Conseil de l’Europe. En 2015, elle se situait en 16ème position en terme de densité carcérale selon les données publiées par le Conseil de l’Europe fin 2015. Le manque de moyens matériels et humains accroit la mise au ban du détenu qui, dans le cadre des agresseurs sexuels et particulièrement des pédophiles, nécessitent un suivi et un soutien tout au long de la peine mais également à leur sortie.

« Qu’est-ce qu’on en fait ? On ne va pas les parquer sur une île à l’autre bout de la Terre, on les accueille, on les accompagne, on les aide à circonscrire cette tranche de vie ».

Lors de leur sortie, le plus souvent après plusieurs années de détention, les ex-détenus peuvent se retrouver esseulés, isolés sans emploi ni famille. La reprise du cours de leur vie s’avère alors périlleuse et favorise la récidive. C’est ce qui motive Ghislaine conseillère en insertion professionnelle qui estime que  « les pédophiles aussi doivent pouvoir se restaurer » et qu’à travers cet acte bénévole, il s’agit de « développer cette bienveillance qui peut donner une seconde chance à un être humain ».

Ghislaine est bien consciente qu’on ne « pourra jamais effacer cette histoire mais on peut la classer ». L’idée est donc d’avoir un rôle d’accompagnant pour des personnes qui ont parfois eu un parcours de vie et une construction difficile et qui ont parfois elles-mêmes été victimes.

Etre bénévole dans un CSR est un engagement d’un an minimum, sur la base du volontariat. Les conseillers SPIP insistent sur la régularité et la pérennité de l’engagement. En effet, le manque de régularité et l’abandon peuvent être assimilés à un rejet par le membre principal et favoriser la récidive.

C’est également un investissement moral fort. Confronté à un membre principal pédophile, le bénévole peut être amené à entendre des faits qui « lui paraitront abjects ». Ce type d’implication nécessite d’avoir du recul sur les événements, d’être en mesure de supporter de tels propos et de se départir de sa propre conception morale. L’idée est d’accompagner le membre principal pour l’avenir. Juliette assistante d’éducation aimerait devenir bénévole, elle perçoit le rôle du bénévole comme celui d’une « béquille pour les accompagner et les aider à marcher tous seuls », elle insiste sur le fait que le bénévole soutient le membre principal qui a un véritable rôle actif et « s’en sort par ses propres moyens ».

Le SPIP d’Orléans est le deuxième service après Versailles à mettre en oeuvre un CSR en France, le projet porté depuis de nombreux mois devrait aboutir au cours du premier trimestre 2018. Le processus est lourd d’autant plus qu’il nécessite un coordinateur conseiller SPIP ayant validé une formation particulière pour être habilité à animer un CSR.

La justice restaurative, qui repense la place du condamné et sa réinsertion dans la société, se met progressivement en place en France. Elle nécessite de gros investissements humains et financiers. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) d’Orléans lance un appel aux citoyens intéressés par ce modèle alternatif de justice, pour travailler à sa réussite dans le Loiret .

Coordonnées du SPIP du Loiret : 8 rue de la chèvre qui danse BP 42046, 45010 ORLEANS Cedex
courriel : alip-orleans@justice.fr

Liens utiles :

http://www.justicerestaurative.org
https://www.cercledesoutien.org
http://www.justice.gouv.fr/le-ministere-de-la-justice-10017/quest-ce-que-la-justice-restaurative-29943.html
https://blogs.mediapart.fr/institut-francais-pour-la-justice-restaurative/blog/031017/le-projet-de-cercles-de-soutien-et-de-responsabilite-au-spip-des

OLGA DYL

Trouvé sur La Rédac Pop, le média participatif et citoyen de Radio Campus Orléans