A la Source des talents, suite…

Une bénévole de l'association For You mimant Hawa en train d'écrire pendant que celle-ci déclamait son texte.

  Dernier épisode de notre série d’articles consacrés au festival mis en place à la Source les 28 et 29 septembre dernier par un collectif de citoyen. Nous vous proposons aujourd’hui le texte rédigé par Hawa Konté à la façon d’un story telling et récité à l’occasion de la conférence sur le thème du talent qui s’est déroulée au lycée Paul Gauguin le 28 septembre. Hawa Konté fait partie de l’association for you et nous livre pour le Bondy Blog Centre le texte original décrivant son talent pour l’écriture. Elle était également présente Place Renan au lendemain de la conférence avec l’association For You.

  Je m’appelle Hawa. On m’a dit que j’ai un talent, celui de bien écrire, écrire bien, et je ne le savais pas. Permettez-moi de vous introduire à une partie de mon identité. Comme je vous disais, je m’appelle Hawa, ne vous détrompez pas, ma voix émanant une certaine fragilité, mon apparence innocente cache derrière elle une forte personnalité. Ma force de caractère est habillée par un personnage très réservé que j’ai accepté par habitude de plus écrire que parler.

   Avant de venir ici, j’hésitais et je me suis dit « Hawa ! Jusqu’à quand … Jusqu’à quand dois-je accepter de demeurer sous l’ombre de mes échecs ? Et bien, je dis Non !, je me dois de saisir cette opportunité vue son immensité, et faire de ce jour une victoire, une victoire qui amènera la lumière à mon talent et fera vivre son rayonnement. Rayonnement qui atteindra les personnes qui m’ont portée jusque-là, et les autres qui n’ont pas cru en ce talent là. » J’ai fait de mon stylo mon ami et de mon cahier son confident. Cela a commencé à l’école primaire, plus précisément en CE2, j’avais 8 ans. J’ai 8 ans et me voici tombée, comme je disais tombée « n’amoureuse », d’un garçon dans ma classe. Je l’admirais, il était différent, gentil, toujours souriant, il avait la classe quoi ! Et pourtant, je ne savais comment le lui faire savoir, d’ailleurs aujourd’hui je me demande même à quoi aurait servi qu’il le sache, mais d’une manière je cherchais à lui faire savoir. Disons que l’Amour a ses raisons que la Raison ne comprend pas. Ceci dit, par honte de la réaction des gens, et par fierté en guise de carapace, je ne lui ai jamais dit. A la place ce que j’ai fait, j’ai écrit. J’ai écrit, une lettre, je m’avançais vers le chemin pour la lui faire parvenir mais craignant un retour négatif, j’ai fini par reculer. C’est dommage, je sais bien. Mais, c’est ainsi que le destin était écrit. Il m’arrive parfois, pour ne pas dire souvent, de relire cette lettre, en cachette bien sûr. Je relis cette lettre pour pouvoir revivre ce sentiment inexplicable que donne l’Amour lorsqu’on est une enfant… Depuis, je n’ai cessé d’écrire car avant qu’on me dise que c’est talentueux, pour moi c’était devenu une habitude car cela m’évitait de beaucoup parler.

   C’est lors de mon cursus scolaire au Lycée, en cours de Français, que mon talent s’est fait remarquer et ainsi je pouvais le qualifier. Je vous explique le contexte : J’étais en 1ère année, dans le cadre d’une rédaction sur table, le professeur de Français nous demande de rédiger un écrit qui sera ramassé et évalué. Les consignes sont les suivantes : « Quel est le héros de votre vie ? Décrivez-le et expliquez ! » Dring Dring Dring, la sonnette de l’école vient de retentir et au bout des deux heures annonce la fin du cours. L’évaluation sur table est terminée. Tout le monde descend du ring ! Je rentre chez moi, heureuse de m’être exprimé et la tête encore dans ce que j’avais rédigé, sans me soucier de l’appréciation que le professeur ferait et la note qu’il me donnerait. J’étais apaisée, j’attendais le prochain cours…

   La semaine suivante, vint le prochain cours de français et le plus important moment de la distribution des notes. Le professeur ampli de fascination pour mon écrit ne s’est point gêné de narrer un extrait à mes camarades et ainsi partager son admiration pour celui-ci, et il s’écria :

   « Ecrire, c’est tout ce que je sais. Ecrire, c’est tout ce que je fais et de ce fait, incomprise souvent je suis. Pourtant, écrire, c’est ce que je suis, car j’écris pour exister. Ecrire, car quand je me relis, j’y vois mon reflet. Ecrire, pour laisser une trace de mon passé dans mon présent qui me fuit. Ecrire pour exprimer ce que je ressens. Ecrire et encore écrire, pour marquer les esprits une fois que le mien sera parti. »

   C’est simple, le héros que j’ai décrit était mon stylo. Cela m’a permis d’exprimer et d’expliquer ma passion pour l’écriture et pour la première fois de ma vie, on m’a dit que j’avais un talent. Un talent… Ecrire … Un talent… Je ne le savais pas. Chez nous ou du moins là où j’ai grandi, on utilise ce terme seulement pour les rares gens sachant manier un ballon, chanter des chansons ou danser sur des sons. C’est vrai, les statistiques démontrent que dans les quartiers populaires le taux d’échec scolaire ne cesse d’être significatif, tandis que la réussite dans le sport et la musique est en constante augmentation.

   Chez moi, je ne me voyais pas dire à mes parents, à mes frères et sœurs, à mes oncles et tantes, à mes cousins et cousines que je suis talentueuse, dû au fait que j’écrive ! La plupart m’auraient ri au nez ou du moins, je ne serai pas jugée à ma juste valeur… d’ailleurs c’est ce qu’il s’est passé lorsque je leur ai fait des retours de ce que mon professeur de Français m’a révélé. Je me souviens, je revenais des cours toute heureuse, ma copie à la main, toute courageuse car j’avais eu un 20. Je communique ma note à mes parents qui réagissent de manière très enthousiaste en me disant « C’est bien. » « C’est bien. » Voilà ce à quoi j’ai eu droit, un simple, « C’est bien »… Incroyable mais vrai, mais ce fut l’avis du professeur de français qui m’importait M. SIMONET que j’ai oublié de vous présenter. Ce fut lui qui me suggéra, très fortement de participer à un concours académique de rédaction, il m’a garanti son assistance et sa diligence. Bon parleur, il m’a convaincu et me voici, moi Hawa, simple fille issue de quartier, impliquée dans une compétition d’excellence, parmi les élèves les plus brillants de la région et de la France. Contrairement à ce que je prétendais de ma propre personne, j’ai réussi à passer les tours de la compétition. je vais vous lire, et vous partager ce talent qu’il a perçu. Je l’ai intitulé « Frères, soeurs, patrie »

« SOUVENT, JE ME DEMANDE CE QUE J’AI PU FAIRE. MIROIR, MIROIR DIS-MOI CE QUE J’AI DE DIFFÉRENT

SOUVENT JE ME DEMANDE CE QU’IL Y A DANS L’AIR. MIROIR, MIROIR DIS-MOI CE QUE J’AI DE DIFFÉRENT

LES PEURS LES PRÉJUGÉS NON-FONDÉs MONUMENTS DE LA FAUSSETÉ

NÉE EN FRANCE UNE ENFANT DE LA PATRIE D’ORIGINE SÉNÉGALAISE, JE VIENS D’AILLEURS ET D’ICI.

OH ENFANTS DE LA PATRIE, FATOU DIOME DIT QUE MARIANNE PORTE PLAINTE CONTRE CEUX QUI UTILISEnt SON IDENTITÉ POUR EXCLURE, STIGMATISER, RÉTRÉCIR L’IDENTITÉ NATIONALE DE LA FRANCE QUI SOUFFRE DE SES MAUVAIS DÉFENSEURS

SOUVENT JE ME DEMANDE CE QUE J’AI PU FAIRE. MIROIR, MIROIR DIS-MOI CE QUE J’AI DE DIFFÉRENT

SOUVENT JE ME DEMANDE CE QU’IL Y A DANS L’AIR. MIROIR, MIROIR DIS-MOI CE QUE J’AI DE DIFFÉRENT

AMIS, AMAS, AMOS M’EXCLURE LORS DES TRAGÉDIES TRAGIQUES.

COMME SI NOUS EN ÉTIONS BANNIS EST-CE UN FOLKLORE

JE CLOS CE DÉBAT QUI EST ÉQUIVOQUE JE PLEURE QUAND VOUS PLEUREZ, JE SOUFFRE QUAND VOUS SOUFFREZ. INCLURE DANS LA TRAGÉDIE, C’EST FAIRE L’APOLOGIE DE LA TOLÉRANCE DE LA TERRE DE PERSONNES MULTIPLE DE CE PAYS

MAIS NE CLIQUE PAS SUR SES INTOX, COMME SI J’ÉTAIS LE MONSTRUEUX MISTER HYDE SUR BFM TV POURTANT JE SUIS PLUTÔT LUFFY HANDICAPÉE PAR LES STÉRÉOTYPES

HEY CLIQUE INFO EN CONTINU, QUAND UN TYPE IMITE CALL OF DUTY DANS LA VRAIE VIE, J’ÉTAIS AUSSI CHEZ MOI APEURÉE LA PORTE FERMÉE PRIANT POUR LES RESCAPÉS

DITES MOI CES DIFFÉRENCES APERCEVABLEs SONT-elles UNE LAMENTABLE TACTIQUE TACITE DE STIGMATISATION ?

SOUVENT JE ME DEMANDE CE QUE J’AI PU FAIRE. MIROIR, MIROIR DIS-MOI CE QUE J’AI DE DIFFÉRENT

SOUVENT JE ME DEMANDE CE QU’IL Y A DANS L’AIR. MIROIR, MIROIR DIS-MOI CE QUE J’AI DE DIFFÉRENT

CROIRE QUE CE SLAM EST UNE LAME DE LAMENTATION N’EST PAS DANS MON TIMING, CHANGE IS COMING

REGARDEr LA LIBERTÉ, L’ÉGALITÉ ET LA FRATERNITÉ DANS LE REGARD DE JEANNE SAMARY SUR LA PEINTURE DE RENOIR ME DONNE l’ESPOIR QU’UNE RÊVERIE DEVIENNE RÉALITÉ AVANT QUE JE DEVIENNE ALITÉe. »

  Finalement, j’ai perdu en finale, mais cela aura été une bonne expérience. Bien qu’on dise que le 2ème est le 1er des perdants, je considérais cela comme une victoire pour moi-même. Je commençais donc à prendre ce talent au sérieux et ma famille également après avoir entendu les témoignages de M. SIMONET. Convaincre mes parents sur ce talent, cela était également un triomphe. Ils décidèrent donc à l’issue de mon cursus scolaire au Lycée et après l’obtention du Baccalauréat avec mention « bien », de m’inscrire dans une école d’art littéraire. A ce moment-là, je me voyais déjà écrivaine, et délivrer des autographes parmi les artistes de la langue de Molière. Malheureusement quand la réalité te rattrape, mes parents et moi n’étions pas prêts financièrement pour couvrir les frais de scolarité s’élevant à 15 000 euros et des poussières.

   Voilà mon histoire, ça aurait pu être l’histoire de quelconque individu de mon quartier. Je m’appelle Hawa, j’aurai pu être Marie, Salamata, Aouatef ou Halima. On m’a dit que j’ai un talent, celui de bien écrire, écrire bien, mais… cela ne m’a servi à rien.

Hawa Konté

Trouvé sur le Bondy Blog Centre