Le parvis du théâtre d’Orléans accueillait une agora populaire, au lendemain du premier tour des élections législatives. Une discussion citoyenne ouverte à toustes alors que le Rassemblement national a largement viré en tête dans le Loiret.
Une enceinte, un micro accessible à tous et un peu plus d’une centaine de personnes rassemblées… C’est ce que l’on pouvait voir sur le parvis du théâtre d’Orléans, ce lundi 1er juillet, entre 18 et 19 heures.
Cette « agora populaire » se tenait au lendemain du premier tour des élections législatives qui ont vu le Rassemblement national virer en tête (33,1% des suffrages exprimés contre 28% pour le Nouveau Front populaire et 20% pour la majorité présidentielle). Le score du RN a même grimpé à 38,06% dans le Loiret, mettant trois de leurs candidats sur six en ballottage favorable.
Le théâtre d’Orléans n’a pas été choisi au hasard par les organisateurs de ce temps de discussion. Pour rappel, l’endroit avait été attaqué dans la nuit du 8 au 9 mai 2021 par des identitaires d’extrême-droite. Des agressions violentes alors que des intermittents du spectacle occupaient le lieu de manière pacifique pour protester contre la fermeture des lieux culturels, dans le cadre de la crise sanitaire du Covid.
« Le nerf de la guerre, c’est l’organisation »
« Il ne faut surtout pas céder à la peur », insiste Nadejda Tilhou. Intermittente du spectacle, réalisatrice, productrice et autrice, cette membre de la CGT spectacle fait partie des organisateurs de cette agora, dont la tenue a été décidée collectivement en assemblée générale. « Le nerf de la guerre, c’est l’organisation, ajoute-t-elle. C’est notre solidarité et la façon dont on fait corps ensemble contre des attaques qui ne manqueront pas d’arriver, de quelque nature que ce soit. »
Faire bloc. C’est l’état d’esprit qui a été montré au cours de cette heure et demie de discussions. Des échanges où les émotions chaudes se mêlaient aux analyses froides de la situation.
Certain.e.s se sont laissé.e.s aller aux larmes, comme cette jeune femme désabusée face au vote massif de ses proches pour l’extrême droite. « Ça fait très mal, en tant qu’enfant d’immigré.e.s, de voir toute sa famille voter RN », confiait-elle d’une voix étouffée par les sanglots. Un artiste binational, qui a découvert ce lundi soir cette agora populaire, a aussi pris le micro pour confier son émotion, lui qui a l’impression d’être « devenu suspect ».
D’autres ont lâché leur colère contre le programme du RN et la politique de la majorité présidentielle, coupable d’avoir conduit, à leurs yeux, à cette situation. « Il ne faudra rien laisser passer. Il faudra être intransigeant chaque jour contre le racisme, contre l’antisémitisme, contre l’islamophobie, contre l’homophobie, contre la transphobie, contre les violences sexistes et sexuelles… », martelait une personne sous les applaudissements, tandis qu’une autre rebondissait sur les attaques contre les immigrés. « Il va falloir faire de la désobéissance », a-t-elle soutenu.
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Dans une touche plus positive, un homme appelait aussi à « ne pas céder à la peur qui est mauvaise conseillère » et rappelait une citation du penseur italien Antonio Gramsci, emprisonné pendant onze années durant le fascisme : « Pessimisme de la raison, optimisme de la volonté. » Un appel a été lancé, en fin d’assemblée, à se syndiquer et à organiser d’autres agoras dans les différents corps de métiers.
Les militants qui étaient présents prévoient, de leur côté, de se retrouver à nouveau au même endroit, le lundi 8 juillet, toujours à 18 heures, pour échanger à nouveau et discuter de la suite.
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Thomas Derais