Une grande figure du militantisme était à l’affiche de la 21e édition du Forum des droits humains. La Maison des arts et la musique d’Orléans accueillait, le 12 avril, la compagnie de théâtre L’Ouvrage, qui a joué le spectacle Gisèle Halimi, défendre !
Son nom est incontournable lorsque l’on s’intéresse aux luttes sociales du XXe siècle. Décédée le 28 juillet 2020, Gisèle Halimi a laissé derrière elle un héritage juridique, culturel et militant que le théâtre a voulu perpétuer. La 21e édition du Forum des droits humains, nommée pour cette année « La paix, ça se cultive », s’est ainsi tenue récemment à la Maison des arts et de la musique d’Orléans.
A cette occasion, la compagnie de théâtre L’Ouvrage a été invitée à revenir à Orléans pour jouer un spectacle intitulé Gisèle Halimi, défendre !, le vendredi 12 avril. Marie Ragu, la comédienne seule sur scène, propose de revenir sur les affaires les plus médiatisées plaidées par Gisèle Halimi.
Ce spectacle n’aurait pas pu voir le jour sans le travail de cinq femmes, toutes conscientes de l’empreinte laissée par cette figure légendaire. Trois d’entre elles étaient présentes lors de cette soirée orléanaise, dont Marie Ragu, mais aussi la metteuse en scène Alice Geairon et Virginie Daudin, conseillère et directrice du Centre régional Résistance et Liberté.
La pièce donne une vision biaisée de la vie de l’avocate ; 30 ans de sa vie ramassés sur une prestation. Un effet déformant, néanmoins nécessaire pour observer l’évolution de la société et l’impact des médias sur la vie publique.
La pièce est un assemblage de plaidoiries, de textes et d’interviews de Gisèle Halimi. Le montage, les choix de mise en scène et d’interprétation restent un choix de la metteuse en scène. Mais pour Alice Geairon, il était important de reprendre mot pour mot les textes de Gisèle Halimi. Cette exigence nécessitait une comédienne en phase avec le personnage. Le choix de Marie Ragu était donc une évidence pour Alice Geairon. Son amour du texte, son militantisme et sa sympathie pour Gisèle Halimi, lui ont permis de s’emparer de la fougue de l’avocate.
L’émission de la Rédac pop consacrée à Gisèle Halimi est à retrouver ci-dessous :
Entièrement militante, partiellement reconnue
Née à Carthage (Tunisie) sous protectorat français, sous domination coloniale, Gisèle Halimi vient d’un milieu pauvre, religieux et conservateur. Figure qui n’est pas reconnue pour ce qu’elle a été, une avocate engagée dans les luttes féministes et antiracistes.
La pièce jouée à Orléans faisait la synthèse des trois procès les plus médiatisés de Gisèle Halimi.
En 1956, elle s’est engagée en tant qu’avocate dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie en prenant la défense des militant.e.s du Front de libération nationale (FLN). Pour rappel, en Algérie française, l’armée décidait et s’occupait à ce titre des procès grâce à ses pouvoirs étendus. Bien souvent, les militant.e.s étaient torturé.e.s et condamné.e.s à mort.
C’est dans ce cadre qu’elle a pris en charge un des procès qui est resté dans l’histoire : celui de Djamila Boupacha. Cette militante du FLN avait été arrêtée en 1960 pour avoir posé une bombe qui avait été désamorcée avant qu’elle n’explose. Arrêtée, elle a subi des tortures et des viols. Gisèle Halimi a fait déplacer le procès dans l’Hexagone et l’a transformé en tribune. Il s’agissait de son premier procès médiatisé, devenu une cause, une tribune politique.
Puis arriva en 1972, le procès de Bobigny, impliquant des femmes accusées d’avoir pratiqué un avortement clandestin. A une époque où l’avortement était interdit par loi (la loi de 1975 a dépénalisé l’avortement), Gisèle Halimi a exposé dans les tribunaux ce qui a été appelé « la méthode Halimi ». C’est elle-même qui l’explique : première étape, « on n’est pas coupable » ; deuxièmement, « c’est la loi qui est coupable » ; troisièmement, « on demande le changement de la loi à laquelle on a volontairement désobéi » ; et enfin, « on ne parle pas au juge, mais à l’opinion publique par-dessus la tête des juges ». Une technique qu’elle définissait comme une forme de désobéissance civile.
Le troisième procès, celui d’Aix-en-Provence, a permis à Gisèle Halimi de dénoncer le viol non pas comme un délit, mais comme un crime. Par sa pratique du droit, elle a participé à changer la loi. Le viol n’a été considéré comme un crime qu’à partir de 1980.
Rien qu’avec ces trois procès, Gisèle Halimi a été une militante intersectionnelle. Lui rendre hommage sans évoquer une partie ou une autre de son histoire, c’est oublier qui elle est vraiment.
A noter. La prochaine rencontre avec le Forum des droits humains se tiendra le 1er juin, pour parler du partage de l’eau.
Montage, photo et article : Steven Miredin