Deuxième partie: Un sabotage à la française des actions européennes
La Commission européenne a présenté en décembre 2021 une proposition de directive pour l’amélioration des conditions d’activité des travailleurs des plateformes. Celle-ci introduirait une présomption de salariat avec un renversement de la charge de la preuve au bénéfice des travailleurs lorsque certains critères sont vérifiés. Ainsi, dès lors que deux des cinq critères sont remplis, le travailleur est présumé salarié. Ces critères sont :
- la plateforme contrôle l’exécution du travail à distances ;
- elle fixe le niveau de rémunération ;
- elle ne permet pas de choisir les horaires de travails ou les absences ou d’accepter ou de refuser des tâches ;
- elle détermine des règles contraignantes en matière d’apparence, de conduite à l’égard du destinataire du service ou d’exécution du travail ;
- elle limite la possibilité du travailleur des se constituer lui-même une clientèle ou d’exécuter un travail pour un tiers.
A ce jour, l’Espagne est le seul Etat membre à déjà prévoir une telle présomption pour les livreurs de repas et de marchandises opérant à travers une plateforme numérique. Il devient vital pour Uber, d’empêcher que la « Ley Rider » espagnol ne soit transposée au niveau européen. Le risque est évidemment économique mais il est aussi question pour l’armada de travailleurs précaires d’obtenir la régulation. Il faut garder à l’esprit que la moitié des travailleurs d’Uber et Deliveroo sont issues de l’immigration et dont certains sont sans-papier. Obtenir le statut de salarié, c’est obtenir des fiches de paie et ainsi facilité la régularisation.
Le Parlement européen dans sa très grande majorité s’est prononcé en faveur du projet de directive européenne sur les travailleurs des plateformes. Cependant, Uber garde un allié de taille : la France d’Emmanuel Macron. Le gouvernement assume désormais sans vergogne sa sympathie pour la plateforme. Par l’intermédiaire de son ancien ministre du travail, Olivier Dussopt, Macron a décidé de soutenir explicitement les mêmes positions qu’Uber lors des auditions par la Commission d’enquête parlementaire sur les « Uber Files », le 25 mai de cette année.
L’ex-ministre du travail a d’ailleurs remis en question le vote du 31 mai au Parlement européen. Une remise en cause qui à défaut d’avoir conquis le Parlement, aura néanmoins séduit le Conseil de l’UE.
La création d’un « tiers statut » bâtard, entre les indépendants et les salariés, a été la porte de sortie proposée par la France pour tirer l’entreprise de ce très mauvais pas et ainsi pérenniser la situation de précarité des travailleurs des plateformes. Malheureusement, la création d’un troisième statut ne semble pas avoir convaincu la Commission européenne. Uber souhaite saper immédiatement toutes les contraintes liées au salariat.
La proximité idéologique entre Uber et la France est désormais explicite. Le fait que le gouvernement français soit l’allié d’Uber dit tout de sa position néolibérale violente et punitive, bien plus éloquente que la réforme des retraites ou du RSA.
Macron préfère saper l’autorité de l’Etat, contester le pouvoir du juge et s’attirer les foudres de l’UE pour gagner les faveurs des grandes plateformes criminelles dans le domaine du droit du travail et des obligations patronales. Au vu des choix formulés dans la politique numérique du gouvernement, la Président souhaite, sans le dire, la dérégulation du système social. Avec Uber en tête de file, les entreprises privées sont encouragées à prendre l’initiative de violer la loi, pour forcer les Etat à admettre que les règles ont changé. Ceux qui doivent en payer le prix sont les travailleurs, toujours plus précaires.
A suivre… La réalité des livreurs d’Orléans
Steven Miredin