La cabane s’invite au FRAC à Orléans

Le hall du FRAC

  La biennale d’architecture, qui a lieu au FRAC d’Orléans jusqu’au 9 février prochain, se déroule sur le thème «Nos années de solitude ». A l’occasion de rendez-vous « Points de vue », le FRAC donne la parole à la société civile, à des associations de droit de défense ou bien à des personnalités pour y exposer leurs engagements pour transformer le réel et changer le monde. C’est dans ce cadre que Marielle Macé, directrice de recherche au CNRS et spécialiste de littérature, est venue présenter son dernier livre intitulé « Nos Cabanes », un essai pensé comme un poème empreint de philosophies et d’engagements écologiques et sociaux.

  Dans le hall du FRAC, sous une œuvre singulière, constituée de cheminées en tissu et en mousse1, le public venu écouter la conférence est à l’abri du reste de l’exposition et de ses visiteurs. L’intervenante, Marielle Macé doit utiliser de la voix pour se faire entendre de son auditoire, calé dans les recoins de l’œuvre. Habiter le monde sans s’isoler : c’est justement le thème de cette conférence, illustré par la figure de la cabane.

  Cette dernière nous est présentée dans toutes formes : de la cabane de notre enfance rassurante et protectrice, à la cabane des bravoures construite par les Zadistes sur le site de Notre-Dame-des-Landes2, en passant par la cabane faite de rien comme celle de sans-abris, d’expulsés et enfin celle faite de colère des Gilets jaunes.

  Pour la chercheuse, la cabane est aussi une figure poétique utilisée pour « ménager plutôt qu’aménager », pour « jardiner les possibles » : la cabane de pratiques et de pensées sociales. Elle relate l’expérience sociale des étudiants d’aujourd’hui qui vivent l’attente d’être choisi, pour un travail, pour un logement… Ce que les jeunes entendent ? : « Il n’y a pas de place pour vous, vous n’aurez pas le droit à la retraite, ou pas comme nous, vous n’aurez pas de travail, ou pas comme nous… ». Eriger des cabanes permettrait donc aujourd’hui d’occuper autrement le terrain, en prenant une place (sa place ?) dans l’espace public.

Le « nous » n’est pas le pluriel de « Je »

  Dans son livre, Marielle Macé soutient également l’idée d’une écologie des relations. Celle –ci passe par la question «  à qui est-ce que je souhaite me lier ? ». Elle revient sur l’expérience des Zadistes qui ont voulu décider comment et avec qui se lier, comment travailler, comment ré-intenver la terre. Ils ont inventés un « Nous », au delà d’un ensemble de « Je », formé d’identité comme une poche imperméable. Avec comme enjeu principal : comment ne pas faire jouer les colères les unes contre les autres ?

Zone à Défendre de Notre Dame des Landes

  L’intervenante nous invite alors à prendre soin des mots. «  Parler, c’est désigner ce qui nous importe, désigner le réel. Chacun a pour responsabilité de ne pas bâcler les mots partagés », précise-t-elle. La construction d’un espace commun, notre cabane à tous-tes, c’est l’habitation du réel et des espaces de débat.

Le langage est une créature vulnérable dont on doit prendre soin

  Positive et inspirante, Marielle Macé nous invite à écouter, autrement, le monde et la nature. Elle cite les récits de vie de migrants recueillis par le collectif PEROU 3 sur un lieu de désastre (la jungle de Calais). Les témoignages de ces personnes chassées font émerger la vie, l’espoir, leurs rêves qui nous permettent d’élargir la pensée, l’écoute et la réflexion sur l’hospitalité et l’accueil. Comme une cabane de pensées dans ce monde abimé.

Angélina TESSIER

Pour aller plus loin :

  A lire : Marielle Macé, Nos Cabanes aux éditions Verdier

  A écouter : Marielle Macé était l’invitée de Laure Adler dans l’émission L’heure bleue sur France Inter le 27 février 2019 – https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-27-fevrier-2019

  Les derniers rendez-vous « Point de vue » du FRAC auront lieu les Vendredi 7 février de 14h à 20h et Samedi 8 février de 9h30 à 13h pour questionner le traitement médiatique de l’actualité des migrations contemporaines. Toutes les informations sur : http://www.frac-centre.fr/rendez-vous/rendez-vous/points-vue/points-vue-1055.html

1 L’œuvre de Takk (Mireia Luzárraga + Alejandro Muiño) implantée dans le hall du FRAC est composée d’une robe pour la structure de l’édifice et d’un ensemble de cheminées autour de la cheminée déjà existante qui peut s’adapter aux différentes façons de vivre ce lieu et y incorporer la notion de solitude.

2 La Zad est une expérimentation sociale montée par les opposants au Projet d’aéroport du Grand Ouest, à Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, France.

3 Pôle d’exploration des ressources urbaines. C’est un laboratoire de recherche-action sur la ville hostile conçu pour faire s’articuler action sociale et action architecturale en réponse au péril alentour, et renouveler ainsi savoirs et savoir- faire sur la question : https://perou-paris.org/Actions.html#En%20France

 

Trouvé sur le Bondy Blog Centre