Aujourd’hui, je vous propose une deuxième interview d’un jeune habitant de la Source sur le thème du talent. Il s’appelle Mamadou, il a 21 ans et exerce le métier de conducteur poids lourds et super lourds. Il habite à la Source depuis cinq ans et vit encore chez ses parents. Il m’a parlé de son talent à lui : le football.
Mamadou a passé cette année son bac pro de conducteur routier au lycée Maréchal Leclerc de Hautecqloque à Saint Jean de la Ruelle. Ce n’est pas le métier qu’il avait souhaité faire : « J’aurais aimé faire plombier chauffagiste mais le métier de conducteur de poids lourd est bien rémunéré et j’ai pu passer tous mes permis. Je travaille maintenant pour l’entreprise dans laquelle j’ai fait mon stage. Ils apprécient ma politesse, mon sérieux, le respect que j’entretiens avec mes collègues et mon esprit d’équipe. Ils disent de moi que je représente bien l’entreprise. Je vis encore chez mes parents, ce qui me permet de mettre de l’argent de côté pour m’installer plus tard. »
Rapidité, technique et esprit d’équipe…
Mamadou est né en Guinée Conakry avant d’arriver en France à l’âge de 10 ans. Voilà maintenant cinq ans qu’il habite le quartier d’Orléans la Source où il se plaît bien : « Le quartier est bien, il y a de l’ambiance, il y a toujours du monde. Je me suis fait plein d’amis. Cependant, il y a quelques individus très peu nombreux qui ont une mauvaise influence chez les plus jeunes. Ils banalisent la consommation de stupéfiants et l’usage de la violence et ce n’est pas un bon exemple pour la jeunesse. » Je l’interroge sur les manques du quartier et il me répond : « Il faudrait plus de loisirs pour les jeunes comme de la danse par exemple. Il faudrait également un terrain synthétique. Un terrain de Futsal gratuit pour pouvoir jouer avec les copains ».
Sa passion pour le football a facilité son intégration dans le quartier notamment grâce à l’association Escale dans laquelle il a suivi deux années d’entraînement en U16 et U 17. Il est ensuite allé à l’USO durant une année et s’entraîne actuellement à l’ASPTT. « J’ai un talent pour le football et je le définirais par rapidité, technique et esprit d’équipe ». Je remarque au passage que cet esprit d’équipe dont me parle Mamadou est une compétence appréciée de ses employeurs. Il l’a acquise très tôt : « Mon grand-père faisait du foot lui aussi en Guinée Conakry, c’était un très bon joueur. J’ai commencé le foot tout petit parce qu’au pays, on avait cours le matin et mes après-midi, je les passais à jouer au foot avec les copains. » Je lui demande s’il reçoit du soutien de la part de son entourage pour développer ses talents sportifs, il m’explique : « Je ne reçois aucun soutien de ma famille concernant le football. Par contre, on parle beaucoup des talents des joueurs pro avec les copains. J’ai beaucoup de copains qui ont des talents dans d’autres domaines. J’ai un copain français qui est très bon à l’école. Pour un autre c’est la natation et un autre encore, c’est le judo… »
Comment un quartier peut-il favoriser l’émergence de ses jeunes talents ?
La pratique de la danse africaine est une autre passion de Mamadou. Il suit des cours payants dans le quartier de la Mouillère. Il m’explique que ce n’est pas son talent « Je fais du Coupé Décalé ivoirien et du N’Dombolo congolais mais je ne dirais pas que c’est un talent. Je pense être le plus nul du cours. J’avais commencé à danser quand j’étais en Guinée-Conakry. Je progresse petit à petit mais il faut s’entraîner et je n’y vais pas souvent. En plus, les cours sont payants ».
Je termine mon interview en posant des questions d’ordre politique à Mamadou : « Je ne m’intéresse pas trop à la politique. Je n’ai pas mes papiers français sinon j’irais voter. Je fais du bénévolat dans une association proche de la mosquée de La Source. Il s’agit de distribution de nourriture. J’aime bien le quartier et n’envisage pas d’en partir. »
L’interview de Mamadou me conforte dans l’idée que je m’étais faite lors de mon entretien avec Samia et Sabrina : Le talent est une passion et ça se travaille (voir article précédent). Même s’il est passionné de danse, Mamadou reconnaît qu’il manque d’entraînement pour définir cette passion comme un talent contrairement au football. Par ailleurs, le talent d’un individu semblerait tenir ses origines de l’enfance ou de la jeunesse d’un individu. Je me demande alors qu’elles peuvent être les moyens mis en place par une société pour favoriser l’émergence des talents. Mamadou a évoqué plusieurs fois la question de l’argent au cours de notre entretien. Les cours de danse payants ont semblé être un frein pour assurer son assiduité à suivre des cours de danse. Il m’avait également parlé qu’il manque un terrain de Futsal qui serait gratuit dans le quartier. La question que je me pose alors est : « Y a t’il un coût nécessaire pour favoriser l’émergence des talents chez les jeunes des quartiers ? ». La question peut également être posée en y ôtant l’aspect financier : « Comment un quartier peut-il favoriser l’émergence de ses jeunes talents ? ». Je m’efforcerai de vous apporter des éléments de réponse dans les prochains articles consacrés au festival des talents qui se tiendra des 28 et 29 septembre à Orléans la Source. Une partie de la réponse se trouve certainement dans les propositions sportives et culturelles portées par les associations locales. En effet, les garçons et filles interrogés pour ces interviews ont tous fréquenté l’association Escale (Enseignement Sportif, Culturel et Animation des Loisirs pour l’Éducation Populaire) implantée dans le quartier de la Source. Cette dernière fait partie de ce collectif de citoyens qui organisent le festival des talents de la jeunesse sourcienne.
pour aller plus loin :
https://www.escale-orleans.fr/
https://m.facebook.com/TalentSourcien/
Daniel Beghdad