Si jeunesse pouvait, ma citoyenneté serait…

 

 

  La première édition d’un festival consacré aux talents de la jeunesse se tiendra les 28 et 29 septembre dans le quartier de la Source à Orléans. Organisé par un collectif de citoyens qui veulent s’engager bénévolement pour leur cité , cette manifestation a pour objectif de mettre en lumière les capacités portées par les Sourciens de moins de vingt-cinq ans dans différents domaines tels que le sport, la culture ou encore le travail. Le Bondy Blog Centre sera présent lors de cet évènement. Nous avons souhaité aller en amont à la rencontre de jeunes du quartier pour recueillir leurs témoignages et savoir ce qu’ils pensaient du talent. J’ai rencontré deux jeunes femmes qui ont bien voulu répondre à quelques questions.

  Samia et Sabrina ont toutes les deux 20 ans et vivent à La Source depuis leur naissance. Samia prépare un bac Sciences et Techniques du Management et de la Gestion (STMG) au lycée Benjamin Franklin à Orléans. Dans le même établissement, Sabrina est en préparation du Diplôme Comptabilité Gestion : « On aime bien l’organisation et la gestion dans l’entreprise ». Elles aiment beaucoup leur quartier :  « On a beaucoup de chance pour les transports, les écoles, les centres de loisirs. C’est bien, on a tout à côté. Par contre pour les adolescents et les jeunes adultes il y a moins de trucs. Il n’y a pas d’association qui nous motive. Ca serait bien qu’il y ait une association pour nous les jeunes, qui nous aiderait pour les loisirs. Il n’y a pas grand chose pour s’amuser. On voudrait un bowling, un cinéma… Il faut se déplacer jusqu’en ville ». Sabrina a un peu travaillé à Escale. Elle a passé son Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateurs (BAFA) avec l’AROEVEN et a travaillé cette année pour les TAP dans une école primaire à Saint-Marceau. Elle a également son permis et le PSC 1. Elles se connaissent toutes les deux depuis longtemps, bien avant le lycée Voltaire dont elles gardent de très bons souvenirs. « Le lycée Voltaire nous a aidé dans le quartier. Il y a une mixité. Les gens viennent de partout : de La Source, de Sandillon, de Jargeau… ».

Le talent, ca se travaille

   Les présentations faites, je leur soumets ma première question concernant le talent et leur demande « C’est quoi pour vous le talent ? ». Sabrina me répond : « C’est difficile à définir. C’est quelque chose de rare, comme un pouvoir. C’est une capacité que l’on a, c’est comme un don… Je ne sais pas si c’est inné ou si ça ne l’est pas. Ca se travaille. Certains l’ont mais ils n’arrivent pas à le montrer, à le partager aux autres. Ca dépend du milieu dans lequel tu vis et si il y a des personnes dans ton entourage qui te poussent à réaliser ce talent. Nous, on sait pas si on a vraiment un talent. Certains ne cherchent pas à savoir. Par contre pour les études, on en a un. » Samia complète : «  Moi, peut être que j’en ai un, je ne sais pas ». Son amie Sabrina me confie : « Elle est très bonne en danse orientale » puis Samia m’explique « Je danse pour les mariages mais je suis timide. J’ai développé ce talent en participant à des fêtes, en regardant… ». Samia me confie à son tour que son amie Sabrina a un talent pour l’écoute : «  Elle a un don pour conseiller. Elle sait écouter sans juger, sans faire de commentaires, sans forcément donner son avis… ». Sabrina témoigne : « J’aimerais bien faire des études de psychologie. J’aime bien la philosophie également. J’ai toujours été comme ça, en vivant des choses dans la vie qui font qu’après tu réfléchis. Sans forcément en faire un métier. J’aimerais bien lire des livres sur ça ».

Des talents cachés

   Elles étudient toutes deux la comptabilité mais ne souhaitent pas spécialement travailler à La Source plus tard. Sabrina m’explique : « Je voudrais devenir expert-comptable. Il en manque à La Source mais ici on pense que ça n’intéresse personne ». Je leur demande si elles parlent du talent avec leur entourage : « Certaines filles ont du talent mais elles ne le savent pas, me dit Samia. C’est l’inconvénient à La Source. Les habitants nous poussent pas trop. On fait nos projets en silence. » C’est avec un ton de résignation que Samia me dit : « Vous savez, on est des filles, nous ne sommes pas soutenues dans le quartier pour nos projets. »

   L’interview touche à sa fin et je leur demande ce qu’elles pensent du vote. Philosophe, Sabrina me répond « C’est bien de voter parce que la majorité est prise en compte mais est-ce que la majorité a raison ? Ca je ne le sais pas« . Elles s’intéressent vaguement à la politique mais ne se sentent pas sollicitées par leurs élus. Elles me parlent à nouveau de l’absence de véritables structures de loisirs pour les jeunes. « Ils pourraient nous demander notre avis, mettre des questionnaires dans les boîtes aux lettres. Par exemple, ils ont fermé le Carrefour sans nous demander notre avis alors qu’on en avait tous besoin dans le quartier »

   Elles ont été les premières à m’accorder une interview car il m’a fallu auparavant essuyer de nombreux refus dû à l’humilité de nombreuses personnes qui souhaitaient rester discrètes sur leur vie ou encore à la difficulté pour définir le talent et c’est compréhensible. je regrette que de nombreuses personnes qui avaient un certain talent n’aient pas accepté de témoigner. Je pense par exemple à ce jeune chef d’entreprise qui tient un commerce au coeur du quartier ou encore à cette secrétaire d’une association implantée elle aussi dans le quartier. Le directeur de cette dernière a témoigné pour elle : « Elle a beaucoup de talent. Elle a fait son stage chez nous quand elle était en formation et j’ai voulu la garder car elle a de nombreuses qualités ». Ce que je retiens de cette immersion dans le quartier pour trouver des talents, c’est que les habitants m’ont toujours orienté vers des personnes dont ils disaient qu’elles avaient du talent. Reconnaissons leur une capacité à valoriser le potentiel de leur entourage comme l’ont fait Sabrina et Samia, l’une vantant les capacités de l’autre. Il semblerait enfin, et le prochain entretien vous le démontrera, que « le talent ça se travaille » comme le disait Sabrina un peu plus haut. « J’ai toujours été comme ça » disait-elle en parlant de ses talents d’écoute. Pourrions nous en déduire qu’il s’agirait de prédispositions acquises dans l’enfance et l’adolescence qui se transformeraient en talent avec du travail ?

   Elles portaient toutes les deux des talents cachés dont elles ont pris conscience lors de notre échange. En effet, l’une est animatrice et toutes deux ont passé un brevet de secourisme. C’est à mon sens un engagement de leur part pour contribuer à l’éducation et aux loisirs de l’enfance et elles ont toutes les deux les connaissances de base nécessaires pour donner les premiers secours à des membres de leur entourage ou à leurs concitoyens en cas de besoin. Cela révèle une prise de conscience de leur part de leur appartenance à notre société et de la place qu’elles s’y font, « en silence ». Alégué Mfam est l’une des organisatrices de ce festival : « Il s’agit de mettre en place une ingénierie sociale de façon innovante pour rapprocher des mondes qui ne se parlent pas ».

   Je concluerai par deux citations d’artistes en lien avec les témoignages de ces deux jeunes femmes. Concernant la timidité évoquée par Samia qui aime danser pour des cérémonies, je citerai la comédienne Sarah Bernhardt à qui une jeune actrice dit ingénument: «Moi, je n’ai jamais le trac sur scène». Sarah Bernhardt répondit: «Ne vous inquiétez pas, ma petite, ça vous viendra avec le talent». Quant à Sabrina intéressée pour étudier la psychologie, je citerai Brel : “Le talent, ça n’existe pas. Le talent, c’est d’avoir envie de faire quelque chose.”

Pour aller plus loin :

https://m.facebook.com/TalentSourcien/

Daniel Beghdad

Trouvé sur La Rédac Pop, le média participatif et citoyen de Radio Campus Orléans