Aujourd’hui, l’argent a une place maîtresse dans notre société, il est difficile de passer une journée sans l’évoquer tellement ce terme est ancré dans nos actes, dans les discours et parfois pour décrire «la richesse, la misère, le pouvoir, le désir… » pour celui qui en possède et celui qui n’en n’a pas souvent pour illustrer de nombreux vices comme la corruption et la cupidité » (1).
Il se gagne par son propre travail ou s’obtient par héritage et par l’appartenance à une classe sociale élevée… L’argent est devenu un instrument au service de l’estimation de soi. Et le rôle que certains lui font jouer dans le travail social peut être pervers.
Je suis en stage dans une Maison d’enfant à caractère social (MECS) et comme pour beaucoup d’institutions, le jeune est souvent « sanctionné par une réduction de l’argent de poche voir d’une privation ». En effet l’argent de poche n’étant pas un « dû » il est géré par l’équipe éducative et le chef de service.
Ce que je ne comprends pas, c’est que même lorsque le jeune fugue ou ne souhaite pas débarrasser son repas nous, éducateurs, le sanctionnons toujours sur son argent de poche, l’argent comme seul moyen de pression ou de négociation avec le jeune ! On croit choisir la simplicité en le privant de 10 ou 20 euros ainsi que le ferait une banque faisant payer des intérêts ou agios . Cela a t-il vraiment un sens pour lui ?
La rétention de l’argent de poche chez des usagers peut-il être un acte éducatif ?
J’en viens à me demander si nous pensons réellement que l’argent est le maître mot d’absolument toute notre vie. Pour ces jeunes qui n’ont que très peu de biens, la sanction qui consiste à en diminuer davantage est elle pertinente ? Sans vouloir paraître naïf, je suis conscient de la difficulté qu’il y a aujourd’hui de poser un cadre, et de réussir à motiver des jeunes à qui on a longtemps dit « sans argent tu ne peux rien avoir ». Que peut vouloir signifier une punition par l’argent ? N’existe-t-il pas une sanction alternative plus adaptée ?
Aujourd’hui, une partie des missions du travailleur social consiste à gérer les « finances » des usagers privés d’autonomie, nous devons leur apprendre à toujours anticiper les dépenses, savoir gérer un budget, prendre leur responsabilité s’ils ratent un repas car celui-ci sera facturé… Enlevant de fait toute possibilité d’acte spontané, après tout nous, les gens « normaux », planifions-nous toujours tous nos achats et repas sans jamais laisser de place à l’imprévu ?…
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Mémoire de Karine LAMBERT-BRUNEL diplômée supérieur du travail social