Vaste question que celle de la mixité sociale ! Ce choix de sujet de la part de nos adhérents nous met une fois encore à l’épreuve. Chaque personne peut avoir une conception différente de ce sujet et de cette expression (qui est elle-même à comprendre dans son contexte, voir notamment : http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-7296.html ). Le choix du film nous permet donc de cadrer un peu la question en lui donnant une teinte particulière, notamment en introduisant un angle d’approche. « Avenue Jenny » avait rapidement attiré notre attention de par son positionnement, loin de tout jugement, et pour les caractéristiques sociales, géographiques et architecturales du quartier filmé, caractéristiques qui peuvent être en partie comparées à la situation du quartier de La Source.
En effet, le film décrit un quartier moderne, au pied de la Défense, constitué d’immeubles d’habitations qui se veulent « une ville dans la ville », au côté d’un quartier plus ancien et hétéroclite, plus populaire aussi. Deux façons de vivre, deux conceptions de la ville. Et surtout, deux populations qui ne se connaissent pas, ne se parlent pas, ne se comprennent pas. Un peu comme à La source en somme, quartier créé de toute pièce et divisé (schématiquement) entre d’un côté des zones pavillonnaires et d’un autre des habitats collectifs, horizontalité et verticalité s’excluant l’une l’autre. Manque de communication et préjugés sont, dans un cas comme dans l’autre, monnaie courante.
Dans le cadre du débat qui a suivi la projection du film (et dont nous allons chercher à retranscrire ici les principales idées) la similitude entre les deux situations n’est pas apparue aux participants comme évidente, en tout cas dans un premier temps : « Ici c’est pas la Défense, il n’y a pas d’argent » ; « Les seuls chèques qu’on a nous, c’est les chèques postaux ! ». Très vite, la discussion prend la direction de la mutation des villes, et des choix politiques qui les sous-tendent pour gérer l’habitat de la « faune humaine ». Aujourd’hui, le modèle privilégié semble être celui de la « Ville artificielle » comme dans le cas de la Villapollonia (cité moderne décrite dans le film), mais « Quel lien y a-t-il avec l’extérieur ? Ils vivent sur une île ces gens là ! » ; « C’est sinistre ! ».
D’autres participants s’expriment, soulignant cette fois-ci les similitudes entre les deux situations : « Les mêmes problèmes de communication ». « Ici ce sont pleins de petits îlots séparés, il faudrait faire intervenir un sociologue pour décrire tout cela, il y aurait de quoi dire ! » et de rajouter : « Les gens ne se connaissent pas entre les différents îlots ».Rapidement un parallèle est fait avec la question de la passerelle (passerelle sur l’avenue de la bolière au niveau de 2002 que la mairie d’Orléans projette de détruire ndlr) : « Ça va encore plus couper les espaces entre eux ». Une information circule entre les participants pour participer à une réunion d’information concernant la destruction de la passerelle qui aura lieu le 26 mars prochain.
Autre problème soulevé :la question du centre-ville, jugée comme essentielle pour la rencontre et donc, in fine, pour la mixité sociale : « Ici ça a été créé de toute pièce, il n’y avait pas de centre ville naturel, mais ça c’est organisé autour de 2002 . Ensuite on a étalé les commerces, et il n’y a plus de centre maintenant.» « Ça manque, maintenant on n’a plus que le marché pour rencontrer des gens ». Le manque de centre ville, mais aussi de commerces et de lieux de rencontres (bar ou restaurant par exemple), ou encore la future fermeture du Carrefour contact du côté de l’Indien sont montrés du doigt à plusieurs reprises au cours de la soirée. « Ici c’est kebab, kebab, kebab ! »
Autre vecteur de mixité sociale à la Source : l’école (primaire, collège, lycée) qui semble ici jouer son rôle de mélange de populations socialement différentes. Bien que certains se plaignent de la mauvaise réputation dont souffrent les établissements scolaires du quartier, la plupart des participants sont d’accord pour dire que de nombreux professeurs se battent pour que l’école fonctionne à La Source, et soit vecteur d’élévation sociale. Une autre personne parle du Square Adélaïde de Savoie comme d’un exemple de lieu propice à la rencontre et à la mixité sociale sur La Source « Plus de 50 familles qui cultivent, se rencontrent et échangent. Il est est ouvert en permanence et il n’y a jamais de vol de matériel. Le seul défaut c’est qu’il n’y a pas assez de lieu comme celui-ci ! »
Le débat revient sur la question des politiques d’urbanisation, notamment le manque de prise en compte, malgré un intérêt de façade, de la volonté des habitants comme dans le cas des rénovations dans le cadre de l’ANRU. « Il faut pouvoir s’approprier un projet si on veut qu’il fonctionne. » La résidentialisation (de plus en plus privilégiée dans le quartier depuis ANRU 1 ndlr) est également montrée du doigt : « La résidentialisation, ça crée des barrières, ça coupe. On n’a plus maintenant cette qualité de vie qu’on avait avant à la source. »
Un autre participant pointe du doigt le fossé existant entre les étudiants de l’université et les habitants de la source. Le manque d’échange entre les deux populations est un véritable manque à gagner, pour les uns comme pour les autres. Un autre dit, volontairement provocateur: « Il existe bien des lieux de rencontres à la source : c’est l’église et la mosquée ! » pointant du doigt le fait que les groupes qui s’évitent ont aussi des attributs religieux (en plus de leurs caractéristiques sociales, ethniques et géographiques notamment).
Une autre personne demande la parole, en s’excusant d’avance pour son niveau de langue française: « Le problème dont vous parlez ici, c’est un problème de mentalité et de cœur. La mixité ça ne se décrète pas. Ici, ça manque de respect, personne ne dit bonjour. Pour parler de mixité, il faut d’abord un peu d’ouverture. » D’autres personnes interviennent pour aller dans son sens : « J’ai le même problème, les gens ne répondent pas quand je dis bonjour, alors je ne le dis plus ! » « C’est propre à Orléans, à Tours je n’avais pas ce problème. ».
La discussion arrive à son terme avec cette idée, arrivée tardivement, mais qui aura produit son effet : le problème de la mixité ne vient peut-être pas uniquement du comportement des autres, mais aussi de l’attitude que chacun développe vis à vis des autres. Pour qu’il y ait mixité, il faut avant tout qu’il y ait rencontre, échange et communication…
Pierre Simon
Association Eclipsa
Ce sujet vous intéresse et vous voulez poursuivre la discussion ? Pour cela deux solutions : par le biais de vos commentaires (ici ou sur nos pages facebook et instagram @Eclipsa45) ; ou en participant à notre prochaine réunion au local d’Eclipsa (4 rue Lafayette 45100 Orléans la Source) le vendredi 06 avril 2018 à 17h. Réunion qui sera l’occasion de revenir sur la soirée du 17 mars, mais aussi de discuter des prochains sujets qui seront abordés dans le cadre de #ProjectionLS et de travailler sur les actions collectives à développer pour trouver des solutions aux problèmes soulevés !
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