Le Mobe (Muséum d’Orléans pour la biodiversité et l’environnement), dans le cadre de la Fête de la science et sous la thématique « De la Loire à l’océan », offre deux expositions qui invitent le public à prendre conscience de l’importance de l’eau et des océans. Les deux œuvres sont ouvertes au public entre le 5 octobre et le 3 novembre (après une prolongation de trois semaines).
Dans un monde où l’humain perd de plus en plus son lien avec la nature, le Mobe (Muséum d’Orléans pour la biodiversité et l’environnement) propose deux expositions naturalistes. Ces travaux, qui rappellent la biodiversité de la région, sont à l’affiche depuis le 5 octobre. Initialement, cette double exposition devait s’achever le 13 octobre, mais elle a finalement été prolongée jusqu’au 3 novembre.
D’un côté, Voyage au cœur des eaux douces, du photographe Bruno Guénard, un ensemble de photographies qui montrent les fonds aquatiques de la Loire et de ses affluents. De l’autre, la Fresque de Loire, de l’ornithologue et naturaliste Denis Chavigny, une fresque aquarellée qui représente 235 espèces d’oiseaux du plus grand fleuve de France.
Ce sont deux visions complémentaires de la Loire, exprime Laure Danilo, directrice de la culture scientifique et du Mobe. « L’une photographique et qui permet d’accéder aux entrailles subaquatiques, donc sous l’eau, de ces milieux. Et puis l’autre, qui tourne en surface cette fois et qui va s’intéresser d’une manière artistique et d’interprétation aux oiseaux qui peuplent ces milieux et qui sont aussi très spécifiques autour des milieux aquatiques. »
Il s’agit de deux artistes régionaux qui prouvent qu’il n’y a pas besoin d’aller très loin pour trouver la beauté naturelle, car elle est déjà là. « On a souvent tendance à imaginer que la biodiversité est fantastique sous les tropiques. On pense aux lions, aux girafes, alors qu’on a des merveilles à nos portes, mais qu’on a peut-être perdu l’habitude de prendre le temps d’observer », commente la directrice du musée.
Souligner la beauté des eaux de notre territoire
L’exposition Voyage au cœur des eaux douces est composée de quinze photographies prises soit dans la Loire, soit dans le Cher. Il y a des photos grand-angle pour montrer l’ambiance autour des ces points d’eau, ainsi que des photos macro qui témoignent de la vie subaquatique. Une exposition qui va du plus gros des poissons, comme le silure qui peut dépasser les 2,50 mètres, jusqu’au plus petit des sujets comme le plancton qui fait 2-3 millimètres de long.
Originaire du Loir-et-Cher, le photographe amateur, Bruno Guénard, est passionné par la photo sous-marine depuis vingt-cinq ans, une activité qu’il pratique en rivière, en mare et au niveau de la mer. Dans sa vie, c’est la nature qui est arrivée en premier, ce qui l’a orienté vers la plongée et, ensuite, la plongée qui l’a dirigé vers la photo.
Un accouplement, une prédation ou une position particulière… C’est toujours la singularité ou le comportement du sujet qui indique à Bruno Guénard le moment pour prendre la photo, en essayant, quand même, de trouver un arrière-plan qui combine avec le protagoniste de l’image.
« Quelquefois, les sujets sont tellement rares qu’on ne choisit pas l’instant, on est obligé de faire la photo, que les conditions soient là ou que les conditions ne soient pas là, c’est eux globalement qui décident quand je vais faire la photo en fonction de leur position, de l’éclairage… », explique le photographe.
« Chez nous, on a aussi des choses extraordinaires »
Pour Guénard, l’art, quand on le partage, peut faire évoluer notre regard : « Quand je pars en voyage à l’autre bout de la planète et que je rencontre des personnes avec une façon de penser complètement différente de la mienne, ça aussi, ça va me faire évoluer. L’art (…) fait évoluer aussi bien au niveau de la communauté et surtout de ma façon de penser par rapport à ce qui m’a été enseigné ici, qui n’est pas la pensée unique. »
C’est par la voie artistique que le photographe partage sa pensée et toutes les choses extraordinaires qui sont près des gens sans qu’ils s’en rendent compte. « Il suffit de mettre la tête dans l’eau pour voir des choses extraordinaires et qu’il n’y a pas forcément besoin (…) d’aller dans d’autres continents (…). Chez nous, on a aussi des choses extraordinaires qui sont à la portée de tout le monde. »
Malheureusement, dans ses vingt-cinq ans de carrière, le photographe a remarqué une forte dégradation du milieu naturel. Cependant, il espère toujours contribuer à la préservation de l’environnement à travers son travail artistique.
Plusieurs magazines, conservatoires et associations ont utilisé les photos de Bruno Guénard pour montrer ce qu’on retrouve dans la région ou en France au niveau de la vie sous-marine. « C’est par ce biais-là, dit le photographe, qu’on peut montrer aux gens ce qu’ils ont à côté de chez eux, et ce qu’il faut préserver ici, comme, par exemple, les tritons, les grenouilles, ce genre de choses, qui ont énormément disparu ou diminué depuis cinquante ans. »
Une oeuvre qui mêle l’exactitude et la beauté
Composée de dix panneaux qui compilent trois années de croquis de terrain et 1.700 aquarelles, la Fresque de Loire a été finie par Denis Chavigny il y a dix ans comme un exercice personnel sans vocation d’être exposé.
« C’était une lubie, si on veut », raconte le naturaliste, une envie de représenter toutes les espèces d’oiseaux trouvées entre les deux rives de la Loire autour de Sully-sur-Loire, sur 10 kilomètres. Une fois que l’artiste s’est lancé, il est arrivé à 235 espèces d’oiseaux, certaines qu’on voit tous les jours et d’autres très rares vues par hasard.
Denis Chavigny est né en Beauce, dans la région Centre-Val de Loire. De formation scientifique en ornithologie et taxidermie, il est progressivement passé à des recherches éthologiques et esthétiques. Il n’a jamais pris de cours de peinture, tout ce qu’il sait sur le dessin et l’aquarelle, il l’a appris de façon autodidacte. Le naturaliste a commencé à vivre de son travail artistique à l’âge de 39 ans.
Une dégradation de la nature dans le monde
Il revendique toujours son profil scientifique plutôt que son côté artistique. Pour lui, ce qui compte, c’est l’exactitude, la fidélité à la vérité de ses représentations, mais si dans cet effort, il arrive à créer de belles images, tant mieux.
Une fois sur le champ, tout est une question d’adrénaline. C’est l’émotion qui lui indique ce qu’il faut capturer sur ses croquis : « Il peut y avoir une scène où il y a un accouplement, une scène où il y a une bagarre ou un rapace qui capture quelque chose. C’est évident, c’est fort. » Les espèces rares, c’est une obligation de les dessiner.
Denis Chavigny a toujours plein d’images d’animaux dans la tête qu’il a vues quand il était jeune, mais qu’il n’a pas peintes parce qu’il ne dessinait pas à l’époque. Ce qu’il regrette un peu car, malheureusement, il n’y a plus beaucoup d’oiseaux.
En fait, il remarque une dégradation de la nature partout dans le monde, provoquée, selon lui, par l’agriculture industrielle. « Ce n’est plus du tout un truc artisanal. On modifie complètement l’habitat. Donc, c’est terminé pour beaucoup d’espèces (…). [En Loire] on a des espèces en plus. Les gens disent que c’est formidable. Mais, par exemple, dans la famille des hérons, il y a des aigrettes qu’on ne voyait pas avant. »
Une dénonciation de l’argent et des idéologies
Le peintre ornithologue voudrait que son œuvre aide à la préservation de l’environnement, néanmoins, il prend du recul. D’un côté, parce qu’il remarque que les médias ne sont pas intéressés par les questions environnementales. « Si vous regardez les informations générales, ce n’est pas cela qui vient en premier. On se moque un peu de l’aspect un peu cucul, des amoureux de la nature. »
D’un autre côté, parce que, d’après lui, ce sont l’argent et les idéologies qui guident le monde. « Les idéologies peuvent être aussi meurtrières pour certaines choses, même pour la nature. Des régimes autoritaires peuvent être vraiment une catastrophe totale par des mauvaises décisions. »
Heureusement pour Denis Chavigny, des espaces comme le Mobe existent encore pour servir de vitrine à l’art inspiré de la nature et pour éviter le silence par rapport aux questions environnementales.
C’est ainsi que le plus grand musée scientifique d’Orléans s’ouvre de plus en plus à l’art, un outil puissant pour toucher la sensibilité du public et pour construire des imaginaires qui organisent les données « brutes et froides » de la science. En bref, comme l’explique Laure Danilo, l’art inspiré de la nature est une voie pour toucher des personnes qui ne sont pas forcément dans le domaine scientifique ni artistique.
Les œuvres de Bruno Guénard et de Denis Chavigny exposées au Mobe peuvent être une révélation, une prise de conscience, une transformation. Elles peuvent être cette étincelle qui déclenche pour chacun un intérêt émergent pour les enjeux environnementaux, ou mieux encore, l’élan pour agir.
Emission sur Radio Campus Orléans
L’émission de La Rédac Pop du samedi 26 octobre consacrée à cette double exposition au Mobe est disponible ci-dessous.
Fernanda Nayeli López Veloz