Certaines mesures annoncées par le gouvernement en février 2018 concernant la réforme de l’apprentissage ont provoqué le mécontentement des Régions. À l’occasion de l’examen de la réforme de l’apprentissage au Parlement, nous avions rencontré la vice présidente déléguée à l’éducation et à l’apprentissage, Cathy Munsch-Masset.
L’apprentissage est-il une priorité de la région ?
Oui depuis plusieurs années déjà. La région Centre Val de Loire est la première région française par la part de ses apprentis chez les jeunes. Nous avons l’ambition de pouvoir faire accéder de plus en plus de jeunes à des formations par apprentissage. Après la crise qui a fait baisser les chiffres de l’apprentissage, nous observons une dynamique positive depuis 3 ans. Pour la rentrée prochaine nous visons une augmentation des effectifs de 6% pour atteindre les 20.000 apprentis.
Faire intervenir l’apprentissage dans un parcours permet de faire découvrir le monde de l’entreprise, d’acquérir des savoirs-êtres et de l’expérience professionnelle qui fait la différence sur un CV. Le but n’est pas d’opposer la voie scolaire et l’apprentissage. Chacun doit suivre la voie qui lui correspond le mieux.
La réforme de l’apprentissage votée le 19 juin par l’assemblée nationale , va passer par le Sénat, que pensez vous de ce texte ?
Cette réforme repose sur une ambition commune, celle de développer davantage l’apprentissage. Les modalités choisies par le gouvernement n’ont pas toutes rencontrées de convergences avec nos positions. On reste vigilant. Ce texte pourrait avoir un effet centralisateur qui pourrait faire du mal à nos territoires ruraux et nuire à l’égalité d’accès à l’apprentissage. Des négociations ont eu lieu, nous avons fait valoir nos oppositions. Des CFA et des formations pourraient être menacés par une volonté de rationalisation. Nous voulons garder ces formations ouvertes sur tout le territoire. Ce lien de proximité est indispensable. Des apprentis ne peuvent pas faire 150 km pour aller dans un CFA. Cela pourrait mettre en à mal la revitalisation des centre bourgs également si tout est centralisé.
Le tandem branches professionnelles régions est pertinent, c’est un partenariat. Le dialogue est nécessaire. Il faut mettre en place un environnement complémentaire et non concurrentiel. Réfléchir aux besoins de compétences, à la création de nouvelles formations. Pour permettre une offre complète à tout niveau de formation aux jeunes.
Des CFA et des formations pourraient ils être menacés ?
On a projeté le modèle de la future loi. Il repose sur un modèle d’efficience. Les CFA qui auraient des groupes de moins de 12 apprentis pourraient être mis en péril financier avec des moyens insuffisants. Cela concerne des territoires plus ruraux, des métiers de niche dont nous avons besoin. Il faut préserver ces offres de formation pour éviter une démarche de rationalisation qui limite l’offre sur le territoire et dans la diversité des métiers et des filières.
L’association Région de France a émis des contre propositions…
Oui , elles concernent surtout l’enveloppe de régulation. C’est à dire le rôle qui restera à la charge des régions, en lien avec les branches qui permettra de travailler sur la qualité des formations, l’équilibre entre ville et campagne, la question du handicap qui nécessite des adaptations spécifiques. L’enveloppe initiale proposée par le gouvernement était insuffisante. Ces éléments financiers résultent de négociations ultérieures au vote de la loi.
Lorsque François Bonneau (Président de la région Centre Val de Loire) et Hervé Morin (Président de la région Normandie) ont rencontré le premier ministre, Edouard Philippe a témoigné d’une prise conscience. C’est important de maintenir le dialogue avec le gouvernement pour aboutir à un consensus. Nous avons des contacts avec des parlementaires de la région pour leur faire part de nos impressions sur cette loi. Pour qu’ils mesurent toutes les incidences que ce texte aura sur le territoire. C’est une question d’intérêt général, qui dépasse les étiquettes politiques, car il s’agit de l’insertion et l’emploi des jeunes. Les sorties du système scolaire sans qualification sont le plus grand risque pour les jeunes de se retrouver au chômage. L’accès à un certain nombre de métiers et de filières professionnelles doivent être mieux connus car ce sont des métiers d’avenir.
L’apprentissage souffre d’une image parfois négative…
Cette question renvoie à des problématiques d’information et d’orientation. Il faut que les jeunes aient la curiosité de regarder pour faire un choix d’orientation positive et non subie. L’apprentissage ce n’est pas la solution pour ceux qui ne savent pas faire autre chose. On peut faire de très beaux parcours avec l’apprentissage. C’est une formation exigeante qui ne relève pas de la facilité. Cette année, en coopération avec les régions Bourgogne-Franche-Comté et Bretagne nous avons mis en place une application CLEOR. Elle permet d’obtenir des informations sur les emplois sur le territoire, de les guider les jeunes, les personnes en reconversion professionnelle et les demandeurs d’emploi. La question de l’orientation se pose tout au long de la vie.
La compétition des olympiades des métiers permet aussi de mettre en lumière des métiers peu connus. Des apprentis peuvent aussi partir à l’étranger dans le cadre d’Erasmus dans une dynamique d’ouverture au monde. De plus, certaines formations sont encore sujettes aux stéréotypes qui voudraient que certains métiers soient genrés. Qu’on soit fille ou garçon, il ne faut pas se restreindre à cause des clichés. En soi, la force du retour d’expérience se révèle utile. Pour prendre conscience qu’un maçon peut être une fille ou qu’un peut être aide soignant. Il n’y pas d’auto censure à exercer sur soi.
Pierre Cibert