L’autre pari perdu d’Emmanuel Macron

  Le 28 juillet 2017 le Président de la République annonçait : “Je ne veux plus d’ici la fin de l’année avoir des hommes et des femmes dans les rues, dans les bois ou perdus. Je veux partout des hébergements d’urgence”. Pourtant, au 1er janvier 2018, il y avait encore des sans-abris dans les rues de France et il en va de même au 1er janvier 2019 (1). S’agit-il d’une énième promesse politique non tenue ? D’un beau discours qui n’a pas été suivi de mesures concrètes ? Pourquoi la France n’arrive pas à régler le problème des Sans Domicile Fixe (SDF) ?

Combien y a a-t-il de SDF en France en 2019 ?

   En 2012, l’INSEE annonçait un chiffre de 140 000 personnes sans-abri en France (2). Lorsque l’on analyse ce chiffre, on s’aperçoit qu’il manque d’exactitude. En effet, il prend en compte les personnes qui bénéficient d’un hébergement d’urgence mais ne prend pas en compte les sans-papiers qui ne souhaitent pas faire appel aux services sociaux de peur d’être repérés et menacés d’expulsion. Aussi, il y aurait en tout 13 000 personnes dormant dehors en 2012 selon le recensement de l’INSEE. Ce serait 50% de plus qu’en 2001 d’après un rapport de la Fondation Abbé Pierre.

  2012, ça fait loin et aucune nouvelle étude n’a été réalisée depuis par l’INSEE pour mettre ce chiffre à jour. Après une polémique sur le nombre de SDF à Paris, une nuit de comptage a été organisée en février 2018 par la Mairie de Paris. Le résultat de l’enquête annonçait 3000 sans-abris dormant dans la rue cette nuit là. Un chiffre toujours à prendre avec des pincettes puisque beaucoup de sans-abris dorment dans des endroits cachés et sont ainsi invisibles aux yeux des promeneurs. On ne sait pas, à l’heure actuelle, combien de personnes dorment dehors dans les rues de Paris comme dans le reste de la France. Alors, comment régler un problème lorsque celui-ci n’est pas évalué ?

Une situation qui s’enlise

  On le sait, on le voit, on ne peut pas l’ignorer ni fermer les yeux, quel que soit le chiffre officiel ou non : il y a beaucoup de sans-abris en France. A Paris, à Marseille, à Orléans, à Grenoble, ou à Bordeaux, dans le métro, sur les trottoirs, sous les ponts, sur le périphérique, peu importe. Qu’ils soient issus de l’immigration, exilés, réfugiés ou sans-papiers, en difficulté économique et sociale, ils sont là et leur nombre ne diminue pas. Alors que le pouvoir politique ne prend aucune mesure pour aller dans ce sens, les associations et collectifs mènent un combat ardu pour faire diminuer un chiffre que l’on ne connaît pas.

   Au-delà même du manque de prise en charge et d’hébergement proposé, c’est aussi tout le système mis en place actuellement pour enregistrer les demandeurs d’asile qui est remis en cause. Aujourd’hui, un exilé doit nécessairement appeler un numéro unique de l’Office France d’Intégration et de l’Immigration (OFII) pour être enregistré comme demandeur d’asile et il faut plus d’un mois pour que quelqu’un réponde à ce numéro payant. L’autre méthode est de se rendre dans des centres d’accueil de jour géré par État ou la Mairie avec des associations et ces centre d’accueil sont saturés et certains n’hésitent pas à organiser des loteries sur l’enregistrement des demandeurs d’asile.

Les associations et collectifs au combat

  Le 31 décembre dernier, 14 associations et collectifs qui oeuvrent auprès des exilés publiaient un appel pour pour la mise à l’abri immédiate de milliers de personnes à la rue à Paris. Après des mois de négociation avec la Mairie de Paris, la décision a été prise de rompre ces négociations étant donné l’absence de solutions de mise à l’abri pour les exilés. La tribune dénonce un manque cruel de volonté politique, “des discussions qui s’enlisent, les réponses restent les mêmes et ne sont pas à la hauteur de la situation d’urgence”.

   Les mots choisis sont forts et expriment une certaine détresse face à l’immobilité des pouvoirs publics : “A ce jour, nous ne pouvons que constater la faillite de l’Etat dans l’exercice de sa responsabilité de protection, de mise à l’abri et d’accueil inconditionnel. En dépit des efforts passés pour améliorer l’accueil, et des efforts actuels pour présenter Paris comme une “ville refuge”, la réalité des personnes vivant à la rue parmi les rats nous démontre à quel point cette politique est un échec.”

  Que ce soit à Paris ou dans le reste de la France, la politique d’Emmanuel Macron est contestée sur tous les fronts. La demande est forte pour une refonte totale du « système ». Cela pourrait commencer par des chiffres plus exacts sur l’ampleur de la pauvreté et un réel état des lieux sur tout le territoire. Cela passe aussi par l’invention collective de nouvelles solutions et ne pourra pas se faire sans l’engagement et la volonté des pouvoirs publics. La société civile, les associations, les collectifs et les citoyens ne sauraient se substituer aux services de l’Etat.

  1. http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-un-sdf-decouvert-mort-dans-un-parking-09-01-2019-7984785.php
  2. https://www.liberation.fr/checknews/2018/03/05/quel-est-le-nombre-de-sdf-en-france-en-2018_1653284
  3. https://www.lejdd.fr/Societe/lettre-de-14-associations-a-emmanuel-macron-letat-met-en-danger-les-migrants-3829496

Leslie Fornero

Trouvé sur La Rédac Pop, le média participatif et citoyen de Radio Campus Orléans