Nous sommes allées à la rencontre d’autres étudiants de l’Ecole Régionale du Travail Social afin de comprendre leur ressenti d’expérience sur leurs lieux de stages. Chacun a son parcours et ses propres difficultés. Nous étions curieux de savoir ce que ces stages leur apportent. Voici deux témoignages des étudiants réalisés au sein de l’ERTS à la fin de l’année 2017. La première interview est celle d’une étudiante en deuxième année de formation d’éducateur spécialisée :
As-tu rencontré une situation qui t’as marqué plus qu’une autre et que tu souhaiterais partager ?
« Voir des enfants de 2ans dormir dehors, des jeunes obligés de se prostituer pour avoir un toit… C’est compliqué d’avoir la bonne distance. Quand on rentre chez soi, dormir après ça, c’est compliqué. On accompagne des personnes avec des difficultés sociales, économiques, des sortants de prison, ceux qui sont à la rue, les personnes en errance… »
As-tu vécu de belles expériences que tu souhaiterais évoquer ?
« Personne n’arrivait à l’approcher (une personne SDF vivant depuis 8 ans dans la rue). Malgré mon statut de stagiaire, j’ai réussi à aller vers lui. Pour lui c’était plus facile car je n’étais pas encore « éduc ». J’ai pu instaurer un début de relation et il a accepté de nous rencontrer au service, et accepté l’accompagnement qu’on pouvait lui apporter. Maintenant, il a une chambre d’hôtel. Une relation de confiance s’est liée grâce au fait que je n’étais pas encore professionnelle. Au début il venait seulement pour parler. Au bout de 2semaines, on a commencé les démarches (j’ai fait le suivi avec un professionnel.) Il était angoissé et avait besoin de sortir toutes les 2 minutes du bureau. »
As-tu des idées reçues sur un certain public qui ont changées lors de tes accompagnements ?
« Les personnes qui ont des addictions. J’avais l’image de personnes autodestructrices, personnes qui se piquaient, groupes de toxicos. Alors qu’en réalité il y a plein de formes d’addiction. Il se cache un mal-être plus profond, qu’au contraire elles aimeraient arrêter mais n’y arrivent pas… »
La deuxième interview est celle d’un étudiant en troisième année de formation d’éducateur spécialisé :
As-tu rencontré une situation qui t’a marquée plus qu’une autre et que tu souhaiterais partager ?
« Je suis en stage dans un service de placement familial. Durant ce stage, l’équipe et moi-même avons accompagné une jeune fille de 14 ans qui faisait de multiples fugues. Pour y répondre, elle fut placée chez une assistante familiale. Cependant, elle continuait à fuguer. Nous avons donc décidé de poursuivre le placement chez sa mère en la suivant toujours. Suite à ce placement à domicile, la jeune fille a arrêté ses fugues. Entre la mère et la fille les liens commençaient à se renouer. Nous avons pu retravailler les interactions entre elles. La jeune fille ré-accrochait avec le scolaire. Et il y a quelques temps, cette jeune fille a accouché. Elle a fait un déni de grossesse suite à un viol. Elle nous avait pourtant dit (à moi et à plusieurs membres de l’équipe) qu’elle avait vécu des choses traumatisantes lors de ses fugues mais nous n’y avons pas répondu car nous étions concentrés sur notre travail entre la mère et la fille. J’ai ressenti un sentiment d’échec total. Une énorme remise en question. Face à ça, tu restes sur un échec et tu n’as plus qu’à le digérer. L’écoute c’est bien, mais qu’est ce que j’en fais derrière ? Finalement, le travail entre la mère et la fille est tombée à l’eau dû à cet événement… »
Pour reprendre sur un ton plus positif, as-tu vécues de belles expériences que tu souhaiterais évoquer ?
« D’après moi, ce sont les moments en dehors de l’institution qui sont les meilleurs et les plus enrichissants. Les sorties, les camps nous permettent de construire autre chose avec l’usager, le jeune. Ce sont toujours de très bonnes expériences à chaque fois. Nous les voyons autrement mais ils te découvrent aussi sous un autre angle. »