Le festival de bandes dessinées d’Angoulême se tiendra du 25 au 28 janvier 2018, l’occasion pour moi de vous présenter une liste non exhaustive de dix bandes dessinées et romans graphiques féministes .
L’édition 2016 du festival avait connu une polémique en raison de l’absence de femmes dans la sélection¹. Elles sont pourtant nombreuses à exercer leurs talents pour le neuvième art. A l’occasion de la 45 ème édition du festival de bulles des Charentes, je vous dresse dans l’article qui suit une liste non exhaustive de dix bandes dessinées et romans graphiques féministes.
Un an après la women’s march où plus d’un million de femmes ont défilé contre le sexisme du nouveau président américain et après une fin d’année entachée par le scandale Weinstein il me paraît opportun de démarrer 2018 du bon pied, en vous présentant des bandes dessinées qui mettent les femmes à l’honneur.
Le milieu de la bd se féminise (Claire Brétécher, Pénélope Bagieu, Diglee…) et s’adresse de plus en plus aux adultes. Mais qu’est-ce qu’une BD féministe ?…
Une BD féministe peut d’abord être une bd qui parle du mouvement féministe (rappel sur le féminisme : c’est le fait de croire et de vouloir l’égalité sociale, politique et économique entre les deux sexes). Une bande dessinée féministe peut aussi être ûne oeuvre plus personnelle et centrée sur la vie de femmes qui ont marqué l’Histoire à leur échelle ou encore une œuvre mettant en lumière la condition des femmes et les problèmes qu’elles peuvent rencontrer en raison de leur sexe et leur genre. Enfin, une bande dessinée féministe est avant tout une oeuvre qui n’est pas centrée et dominée par le genre masculin.
Les fondements du féminisme et sa diversité
En guise d’introduction, je vous propose une BD qui explique un peu ce qu’est le féminisme. Elle s’appelle tout simplement « le féminisme » et ça fait partie de la super collection La petite bédéthèque du savoir, éditée chez Le Lombard, une collection spéciale où un dessinateur-trice et un-e sociologue s’associent pour expliquer un terme ou une notion. Ici c’est le dessinateur Thomas Mathieu qui a travaillé avec la sociologue Anne-Charlotte Husson et qui expliquent, à partir de 7 slogans politiques, les fondements du féminisme et sa diversité. « Ne me libère pas, je m’en charge ! », « Le féminisme n’a jamais tué personne, le machisme, lui, tue tous les jours » « Nos désirs font désordre », « White woman, listen » « On ne nait pas femme, on le devient », « Le privé est politique », « La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune ». Afroféminisme, violence sexuelles, droit de vote, droit à l’avortement…. tout est traité de manière concise et simple, avec des dessins très chouettes.
D’Olympe de Gouges à Pénélope Bagieu…
Je vous conseille ensuite la biographie d’Olympe de Gouges, première militante féministe en France, illustrée par la dessinatrice Catel et le scénariste Bocquet chez Casterman. « C’est une bio graphique » : comme aime le dire Catel, en noir et blanc, et qui fait plus de 300 pages. On suit donc Olympe de Gouges pendant 45 ans, le temps de sa vie, de 1745 à 1793. Quarante-cinq ans de vie d’une femme qui sort des clous, surtout à l’époque ! Car c’est avec elle qu’arrive en France une idée toute neuve, celle de la lutte pour les droits des femmes.
Née dans une famille bourgeoise de province, sans doute fille née d’un adultère, Olympe de Gouges est une femme de lettres et polémiste engagée. Très tôt, elle se distingue par son indépendance d’esprit et l’originalité de ses idées, s’engageant pour l’abolition de l’esclavage et surtout pour les droits civils et politiques des femmes. Opposée à Robespierre et aux fanatiques de la Révolution, elle est guillotinée pendant la Terreur, pour ses liens avec les Jacobins. C’est une version romancée de sa vie qui est ici racontée, mais avec une rigueur historique ; c’est-à-dire que toutes les dates et tous les événements sont exactes. Autrice de la Déclaration des droits de la Femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges était très en avance sur son temps et a longtemps été oubliée par l’Histoire. Et pourtant, ces idéaux ont forgé quelques-unes des valeurs clés de notre société actuelle. Donc n’ayez pas peur du volume, ce roman graphique se lit très bien et est très prenant. A noter aussi que Catel et son compagnon Bocquet ont également fait des « bio graphiques » sur d’autres femmes importantes et injustement oubliées, comme Kiki de Montparnasse, Joséphine Baker et Benoite Groulte.
En passant par Nikki de Saint-Phalle…
Cette plasticienne, connue pour ses Nanas (grandes statues de femmes colorées tout en rondeur), a eu une vie mouvementée, avec son lot d’épreuves. Sauvée par l’art, elle mettra toute sa force créatrice en œuvre pour s’exprimer et embellir le monde. Nikki de Saint-Phalle, le jardin des secrets, raconté par Sandrine Martin et Dominique Osuch, s’inspire de l’oeuvre la plus gigantesque de la plasticienne : le jardin des tarots, situé en Italie. Un jardin rempli de 22 énormes sculptures de toutes les couleurs évoquant les 22 cartes du jeu de tarot. Chaque carte, dans le livre chaque chapitre, représente une période de la vie de la plasticienne. Car Nikki de Saint-Phalle décide très tôt de défier le destin qui lui était promis et de se libérer par l’art de son traumatisme d’enfance, le viol par son père. Alors, parce que l’art l’a sauvé, elle décide que seul l’art pourra sauver le monde. Elle fait passer ses messages sur la force féminine et l’amour dans de nombreux pays, des États-Unis à la France, en passant par Israël. Admirable et inspirante, Nikki de Saint-Phalle est aujourd’hui redécouverte par le grand public.
Les Culottées
L’autrice et dessinatrice Pénélope Bagieu s’est fait connaître grâce à son blog Pénélope jolicoeur et à son premier album, Ma vie est tout à fait passionnante sorti en 2008. Depuis, elle s’est vraiment fait une place dans le milieu de la bd et collabore avec des dessinateurs reconnus (Joan Sfar et Boulet, pour ne citer qu’eux). Avec sa bande dessinée en deux tomes, appelée Les Culottées (Gallimard), elle s’engage en tant que féministe, pour prouver à ceux qui disent qu’il n’y a pas eu de grandes femmes dans l’histoire, que c’est complètement faux. Les Culottées mettent à l’honneur 30 femmes au destin extraordinaire et surtout non tracé. Des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent, comme le dit clairement le sous-titre. Décidées à ne pas se laisser enfermer dans le rôle d’épouse et de mère auquel elles étaient destinées, les voilà qui brisent les règles et font bouger les lignes. Malgré l’injustice des lois, de la société, du poids de la tradition et de la censure, chacune de ces femmes n’en fait qu’à sa tête et devient une héroïne, à sa manière et à son échelle.
Prenons la petite Apache Lozen par exemple. Les tâches ménagères l’ennuient profondément. Qu’à cela ne tienne, elle deviendra une grande guerrière qui protégera son peuple, au côté d’un certain… Géronimo. Quant à la Française Clémentine Delait, sa pilosité très développée ne la stoppe pas : elle deviendra la première femme à barbe et ouvrira son propre bar ! Les sœurs Mariposa, Nellie Bly, Malala… elles ont enfin leur place dans l’Histoire. Toutes les planches, avant d’être publiées sur papier font partie d’un blog sur le site web du Monde. Vous pouvez les retrouver et les lire gratuitement en ligne à l’adresse qui suit:
http://lesculottees.blog.lemonde.fr/
Je vous laisse la semaine pour déguster toutes ces œuvres et mieux comprendre le féminisme. Je vous donne rendez vous la semaine prochaine pour rentrer dans le vif du sujet et parler culture pop, sexualité et actualités sous l’angle du féminisme bien sûr.
Valentine Martin